lundi 19 janvier 2015

Charlie

J’ai longuement hésité à me pencher sur ce post. Sonnée, surprise, allergique à l’effet de masse et peut-être anesthésiée par mon statut de spectatrice, d’observatrice. Abasourdie également par le tumulte d’informations livrées au fil des balles par ceux qui ne peuvent se laisser aller à la surprise, s’astreignant à entrelacer, prudemment pour les plus rigoureux, faits et  analyses, sans laisser place au recul qui ne pourra s’inviter que dans un très hypothétique et incertain futur.

Mon emportement a semblé s’enrayer, presque handicapé par l’horreur des faits, me laissant à la traîne, loin derrière ceux qui déjà s’indignaient à quelques heures des faits de la mort de la liberté d’expression. A ce moment, ma trop fleur bleue empathie, allait essentiellement vers les familles, ces fils, filles, femmes, compagnes qui le matin peut-être déposaient un baiser sur le front, saluaient d’un sourire, quittaient d’une caresse celui ou celle que l’on pensait revoir le soir. Ce type d’évènement a pour particularité de me ramener à la palpation du quotidien, celle que l’on ne sent pas, comme l’air que l’on respire, mais qui se fait fatale lorsqu’elle vient à manquer. Mes pensées ont donc longuement vaqué à ces errements, marquées par la douleur des familles, avant de se rallier à la défense des grandes causes.

Une défense des grandes causes difficile à embrasser sereinement car certainement difficile à appréhender et à lire. Aussi impressionnante soit la vague de mobilisation qui a emporté le pays ces dernières semaines, j’avais des difficultés à en comprendre l’assise et les subtilités ;  l’horreur ne méritant d’être pointée du doigt et diabolisée que lorsqu’elle s’invite dans nos contrées. Une horreur nationale qui dans le même temps éclipsait les massacres de Nigérians par Boko Haram. Une horreur qui déjà semblait se laisser dompter par la classe politique et ne manquera pas d’être interprétée (en 2017 ?), instrumentalisée. Une horreur qui ne devait pas être reçue par tous de la même manière puisqu’alors que le sang était encore chaud, les Musulmans habitant en France étaient sommés de se désolidariser des terroristes, de crier plus fort, bref de se démarquer (encore) des autres Français pour se faire entendre…se justifier pendant que je savourais mon droit au silence, offert par mon absence de croyance religieuse.

Certes, j’ai été sensible à la foule de Français, de toutes couleurs politiques, de toutes confessions, de tous âges et de toutes origines noircissant le pavé parisien. Mais quelle est la cohérence avec une Une « de contre-attaque », qui prive une partie des Français de son droit à la contestation opposant maladroitement liberté d’expression et liberté d’adhésion, mettant encore une fois la religion au cœur du débat alors que nombreux sont ceux qui souhaitent éviter l’amalgame et condamner l’usage de la foi comme un leurre. Pourquoi mettre en scène le leurre plutôt que le mal lui-même, le poison distillé par ces ennemis de la liberté et de la cohésion ?

A la vision trouble, s’ajoute la crainte du lendemain. Que restera-t-il après l’horreur ? La solidarité illustrée par des images plus fortes qu’un lendemain de victoire de Coupe du monde, le soulèvement et l’unité symbolisés par des slogans et hashtags ou juste l’horreur, le repli, la division. Comment la lutte et l’indignation perdureront-elles ? A travers des hommages annuels, occasion de ressortir les slogans qui seront devenus marques déposées ou à travers l'évolution des mentalités, des sensibilités accrues, des combats de tous les instants et à tous les niveaux contre ceux qui mettent à mal les valeurs qui à ce jour nous apparaissent comme chères ? Des questions, peu de réponses et seulement un goût amer laissé par l’horreur et pour toujours, des baisers, des sourires, des caresses…échoués.

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