J’ai longuement hésité à me pencher
sur ce post. Sonnée, surprise, allergique à l’effet de masse et peut-être anesthésiée
par mon statut de spectatrice, d’observatrice. Abasourdie également par le
tumulte d’informations livrées au fil des balles par ceux qui ne peuvent se
laisser aller à la surprise, s’astreignant à entrelacer, prudemment pour les
plus rigoureux, faits et analyses, sans
laisser place au recul qui ne pourra s’inviter que dans un très hypothétique et
incertain futur.
Mon emportement a semblé s’enrayer,
presque handicapé par l’horreur des faits, me laissant à la traîne, loin
derrière ceux qui déjà s’indignaient à quelques heures des faits de la mort de
la liberté d’expression. A ce moment, ma trop fleur bleue empathie, allait
essentiellement vers les familles, ces fils, filles, femmes, compagnes qui le
matin peut-être déposaient un baiser sur le front, saluaient d’un sourire,
quittaient d’une caresse celui ou celle que l’on pensait revoir
le soir. Ce type d’évènement a pour particularité de me ramener à la palpation
du quotidien, celle que l’on ne sent pas, comme l’air que l’on respire, mais
qui se fait fatale lorsqu’elle vient à manquer. Mes pensées ont donc longuement
vaqué à ces errements, marquées par la douleur des familles, avant de se
rallier à la défense des grandes causes.
Une défense des grandes causes
difficile à embrasser sereinement car certainement difficile à appréhender et à
lire. Aussi impressionnante soit la vague de mobilisation qui a emporté le pays
ces dernières semaines, j’avais des difficultés à en comprendre l’assise et les
subtilités ; l’horreur ne méritant
d’être pointée du doigt et diabolisée que lorsqu’elle s’invite dans nos
contrées. Une horreur nationale qui dans le même temps éclipsait les massacres de
Nigérians par Boko Haram. Une horreur qui déjà semblait se laisser dompter par
la classe politique et ne manquera pas d’être interprétée (en 2017 ?),
instrumentalisée. Une horreur qui ne devait pas être reçue par tous de la même
manière puisqu’alors que le sang était encore chaud, les Musulmans habitant en France
étaient sommés de se désolidariser des terroristes, de crier plus fort, bref de
se démarquer (encore) des autres Français pour se faire entendre…se justifier
pendant que je savourais mon droit au silence, offert par mon absence de croyance religieuse.
Certes, j’ai été sensible à la
foule de Français, de toutes couleurs politiques, de toutes confessions, de
tous âges et de toutes origines noircissant le pavé parisien. Mais quelle est
la cohérence avec une Une « de contre-attaque », qui prive une partie
des Français de son droit à la contestation opposant maladroitement liberté d’expression
et liberté d’adhésion, mettant encore une fois la religion au cœur du débat
alors que nombreux sont ceux qui souhaitent éviter l’amalgame et condamner l’usage
de la foi comme un leurre. Pourquoi mettre en scène le leurre plutôt que le mal
lui-même, le poison distillé par ces ennemis de la liberté et de la cohésion ?
A la vision trouble, s’ajoute la
crainte du lendemain. Que restera-t-il après l’horreur ? La solidarité illustrée
par des images plus fortes qu’un lendemain de victoire de Coupe du monde, le
soulèvement et l’unité symbolisés par des slogans et hashtags ou juste l’horreur,
le repli, la division. Comment la lutte et l’indignation perdureront-elles ? A
travers des hommages annuels, occasion de ressortir les slogans qui seront
devenus marques déposées ou à travers l'évolution des mentalités, des sensibilités accrues,
des combats de tous les instants et à tous les niveaux contre ceux qui mettent à
mal les valeurs qui à ce jour nous apparaissent comme chères ? Des
questions, peu de réponses et seulement un goût amer laissé par l’horreur et
pour toujours, des baisers, des sourires, des caresses…échoués.
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