vendredi 13 février 2015

Et si on célébrait plutôt les célibataires, on leur doit bien ça ?


Cette semaine, je m’intéresse au cas particulier de ce que l’on a coutume de nommer « une Minorité ». Autrement dit, une partie de la population dont la principale caractéristique est de ne pas appartenir à la Majorité. Distincte du reste du monde au regard d’un critère particulier, la Minorité peut être victime d’exclusion, subir les préjugés en tous genres, faire face aux railleries et affronter les piques assassines en société.
La Minorité dont il est question aujourd’hui ne se distingue pas par un critère ethnique, religieux ou encore physique mais par son état civil (même si les années rendent celui-ci de moins en moins fiable) ou sa situation relationnelle. La Minorité du jour est donc, vous l’avez deviné, les Célibataires. Comme il n’est point nécessaire d’appartenir à une minorité pour en défendre les droits, je m’y attèle de ce pas.
Les spécificités de « l’espèce »
Les Célibataires ont la particularité d’être une Minorité majoritaire. Certes, suffisamment minoritaire pour être prise de haut par la Majorité mais en très grand nombre tout de même au sein de la population. Cette minorité est par ailleurs très hétérogène car si elle se démarque par son absence de partenaire dédié, déclaré et clairement affiché, elle n’est pas perçue de la même manière en fonction de son âge, son sexe ou encore sa position dans le cycle sociétal.
Par exemple, le/la Célibataire « jeune » (#MoinsDe25ans) est encouragé (e) voire envié (e), tel l’étalon sauvage, il ou elle est perçu(e) comme un être libre, au sommet de sa splendeur, butinant en toute insouciance sur un son de Barry White en attendant de se poser. Profite de ta liberté jeune Célibataire aux battements d’ailes frénétiques car la société moderne dans laquelle nous vivons peut atteindre un niveau de relouterie aussi affûté que celui des fables de la Fontaine. Aussi, elle attendra de toi que l’insouciance s’épanouisse jusqu’à atteindre son apogée afin de justifier au mieux le règne de la sagesse, celle qui te fera choisir la vie de couple car telle est ta destinée.
Les choses se corsent après 25 ans. Si la nature a été généreuse avec toi en te dotant d’un physique trompeur, tu pourras bénéficier d’une dérogation exceptionnelle et il sera toléré que tu prolonges ton séjour dans la catégorie précédemment décrite (#MoinsDe25ans). Cette zone grise peut en fonction des cas se prolonger jusqu’à 30 ans. Passée la barre des 30 ans, plus de répit, tu seras fatalement frappé du syndrome de Bridget Jones. Le fameux syndrome qui te fait opérer, sans que tu t’en rendes compte, une mutation aux yeux de ton entourage. Ainsi, le fait que tu sois débordant(e) de vie, prix Nobel de la paix, astronaute ou Ministre à « à peine » 30 ans, le fait que tu aies ton appartement, que tu saches changer une roue ou que tu le prétendes comme dans la chanson de Cookie Dingler ou encore le fait que tu te sentes bien ta peau n’y feront rien. A chaque fois qu’un membre de ton entourage « en couple » posera les yeux sur toi, il ne pourra s’empêcher d’accompagner ses préconisations bienveillantes non sollicitées d’un regard de compassion affecté qui semble dire « même si tu ne le montres pas, je sais que tu es malheureux (se) ». Et alors, à toi le festival de phrases "pertinentes" et tellement caricaturales qu’elles devraient être uniquement réservées aux sketchs de Michel Leeb.
Top 3 pour te rappeler des bons souvenirs :
-          « Mieux vaut être seul(e) que mal accompagné(e) », qui dans 50% des cas déclenche la réplique suivante dans votre tête « Alors qu’attends-tu pour larguer ton boulet ? » 
-          « Cette année, je le sens c’est ton année », autant c’était mignon en 2011 mais en 2015, ça devient un peu ridicule non ?
-          « Mais je ne comprends pas comment une jolie fille comme toi n’arrive pas à trouver ». Dans les jours de grande rationalité, vous pouvez vous lancer dans des explications visant à faire comprendre que l’amour n’est pas qu’une question de physique agréable mais qu’il est aussi friand de notions telles que la communion des idéologies, l’admiration, la sécurité, le bien-être et la fameuse inexplicable alchimie (butterflies in the stomach pour les anglophones qui me lisent). Dans les jours d’agacement, un simple « ben toi t’as bien trouvé, tu vois bien que cela n’a rien à voir avec le physique » suffira.
Mais rassurez-vous, la Société moderne vous accordera un répit dans les circonstances suivantes :
-          Au-delà de 40 ans, elle considérera à tort que vous êtes un cas désespéré car si après 10 ans de condamnations discrètes vous n’avez « rien fait pour changer ça », on ne peut plus rien pour vous. Qu’importent les frasques des Cougars et autres femmes d’expériences libérées des diktats de la société, qu’importent les « secondes chances » plus détendues, votre cas ne sera plus étudié. C’est peut-être le moment d’en profiter pour choisir tranquillement ?
-          Si vous avez réussi à avoir des enfants en dépit de « votre manque de stabilité » car c’est plus difficile avec des enfants.
-          Et bien sûr, l’inégalité des sexes aimant tirer sur l’ambulance, si vous êtes un homme, un traitement de faveur vous sera réservé. Toutefois, cet allègement de peine est à prendre avec des pincettes car être un homme, c’est bien mais être un homme beau gosse et à l’aise en société, c’est mieux. En effet, si vous êtes un homme au physique peu coopératif et de surcroît timide, un sort similaire à celui des femmes vous sera réservé. En revanche, si vous êtes un homme au physique considéré comme attractif et à l’humeur festive, vous bénéficierez d’un accès illimité au monde des #MoinsDe25ans. « C’est normal après tout il profite, il peut ! ». La Société moderne vous délivrera un passe-droit.
L’idée reçue
Ces conceptions souvent fantasques de la Société moderne ont contribué a marqué le Célibat comme une défaillance voire un échec. Si tu ne trouves pas ta moitié ce n’est pas de ta faute mais un peu quand même car tu devrais « sortir plus », « te maquiller pour aller à la boulangerie », bref, faire quelque chose, n’importe quoi mais quelque chose.
Mais d’où vient donc cette idée que le Célibat doit être combattu ?
Les conséquences et les risques des condamnations de la Société moderne
-          La fin de la romance. Si l’adoption de la vie de couple dépend de menues interventions volontaires, qu’en est-il du hasard ? de la spontanéité ? des butterflies ? Est-ce si dénué de sens que de croire que la compatibilité de deux êtres est une science aussi irrationnelle qu’exacte que telle la recherche du vaccin miracle elle impose des tâtonnements, des tentatives, des erreurs avant d’aboutir à la parfaite combinaison des éléments ?
-          La vie de couple en carton-pâte façon décors de cinéma. Certain(e)s, à bout de force et ne pouvant plus lutter face aux récriminations à peine masquées de la Société moderne, cèdent mathématiquement aux sirènes de la vie de couple en acceptant d’accompagner un être qui répond aux critères du parfait « lâchez-moi la grappe » à savoir âge similaire, appartement, métier rémunéré à échéances régulières. La victime peut dès lors se reposer sur ses lauriers et s’accrocher à sa bouée. Qu’importe que le compagnon salvateur ne présente aucun intérêt particulier, qu’il ne daigne pas prêter attention à son univers, qu’il passe son temps à la dévaloriser, que chaque jour passé à ses côtés ressemble à une visite chez le dentiste et que les rares sorties en sa présence la condamnent aux visages crispés de ses amis qui transpirent le « Mais qu’est-ce qu’elle fait avec cette métaphore du néant ? » car enfin elle a la paix. Ah ok…tu es bien sûre Société moderne qu’attendre sans se stresser de rencontrer les butterflies, c’est pathétique ?
-          Les combats sans guerre. Il est certain que les plus aguerris ne céderont pas mais lorsque l’on ne plie pas, on choisit souvent l’assaut. C’est alors qu’apparaissent les fameuses Célibattantes (vous remarquerez que le terme Célibattants est beaucoup moins usité). Si tu fais le choix de sortir du rang tu devras le crier haut et fort. Tu devras partir en guerre pour défendre ton choix inadéquat parce que non tu ne peux pas juste attendre et te laisser surprendre.
-          La fin des soirées pimentées des personnes en couple. A force de tourmenter ces pauvres célibataires, sache Société moderne, qu’ils vont finir par tous adhérer à ton concept de vie de  couple et ce jour-là, peux-tu me dire qui nous racontera des histoires de rencontres croustillantes pour égayer vos soirées. Hein ? Tu y as pensé à ça ? Ben ouais, ce n’est pas tout de faire sa Cigale, il faut penser aux conséquences, au risque de faire de la chanson de Stromae l’hymne de l’année.
Bref, quel que soit ton âge ou ta situation cher(e) Célibataire, je te rassure, rien ne sert d’essayer de plaire à la Société moderne car le jour où tu seras en couple, si telle est ta volonté, enfin posé(e) avec celui (celle) que tu as choisi, au bord de la piscine avec ton verre de rosé, tes lunettes de soleil, bercé(e) par le chant des cigales, caressé(e) par les rayons du soleil couchant, l’esprit dans le vague ; une voix sortie de derrière le barbecue viendra rompre cette tranquillité pour te demander « Et sinon, c’est pour quand le bébé ? ».
 

 

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