Cette semaine, je m’intéresse au
cas particulier de ce que l’on a coutume de nommer « une Minorité ».
Autrement dit, une partie de la population dont la principale caractéristique
est de ne pas appartenir à la Majorité. Distincte du reste du monde au regard d’un
critère particulier, la Minorité peut être victime d’exclusion, subir les
préjugés en tous genres, faire face aux railleries et affronter les piques assassines
en société.
La Minorité dont il est question
aujourd’hui ne se distingue pas par un critère ethnique, religieux ou encore
physique mais par son état civil (même si les années rendent celui-ci de moins
en moins fiable) ou sa situation relationnelle. La Minorité du jour est donc,
vous l’avez deviné, les Célibataires. Comme il n’est point nécessaire d’appartenir
à une minorité pour en défendre les droits, je m’y attèle de ce pas.
Les spécificités de « l’espèce »
Les Célibataires ont la
particularité d’être une Minorité majoritaire. Certes, suffisamment minoritaire
pour être prise de haut par la Majorité mais en très grand nombre tout de même
au sein de la population. Cette minorité est par ailleurs très hétérogène car
si elle se démarque par son absence de partenaire dédié, déclaré et clairement
affiché, elle n’est pas perçue de la même manière en fonction de son âge, son
sexe ou encore sa position dans le cycle sociétal.
Par exemple, le/la Célibataire « jeune »
(#MoinsDe25ans) est encouragé (e) voire envié (e), tel l’étalon sauvage, il ou elle est
perçu(e) comme un être libre, au sommet de sa splendeur, butinant en toute
insouciance sur un son de Barry White en attendant de se poser. Profite de ta
liberté jeune Célibataire aux battements d’ailes frénétiques car la société
moderne dans laquelle nous vivons peut atteindre un niveau de relouterie aussi
affûté que celui des fables de la Fontaine. Aussi, elle attendra de toi que l’insouciance
s’épanouisse jusqu’à atteindre son apogée afin de justifier au mieux le règne
de la sagesse, celle qui te fera choisir la vie de couple car telle est ta
destinée.
Les choses se corsent après 25
ans. Si la nature a été généreuse avec toi en te dotant d’un physique trompeur,
tu pourras bénéficier d’une dérogation exceptionnelle et il sera toléré que tu
prolonges ton séjour dans la catégorie précédemment décrite (#MoinsDe25ans). Cette
zone grise peut en fonction des cas se prolonger jusqu’à 30 ans. Passée la
barre des 30 ans, plus de répit, tu seras fatalement frappé du syndrome de
Bridget Jones. Le fameux syndrome qui te fait opérer, sans que tu t’en rendes
compte, une mutation aux yeux de ton entourage. Ainsi, le fait que tu sois
débordant(e) de vie, prix Nobel de la paix, astronaute ou Ministre à « à
peine » 30 ans, le fait que tu aies ton appartement, que tu saches changer
une roue ou que tu le prétendes comme dans la chanson de Cookie Dingler ou encore
le fait que tu te sentes bien ta peau n’y feront rien. A chaque fois qu’un membre
de ton entourage « en couple » posera les yeux sur toi, il ne pourra
s’empêcher d’accompagner ses préconisations bienveillantes non sollicitées d’un
regard de compassion affecté qui semble dire « même si tu ne le montres
pas, je sais que tu es malheureux (se) ». Et alors, à toi le festival de
phrases "pertinentes" et tellement caricaturales qu’elles devraient être
uniquement réservées aux sketchs de Michel Leeb.
Top 3 pour te rappeler des bons souvenirs :
-
« Mieux vaut être seul(e) que mal
accompagné(e) », qui dans 50% des cas déclenche la réplique suivante dans
votre tête « Alors qu’attends-tu pour larguer ton boulet ? »
-
« Cette année, je le sens c’est ton année »,
autant c’était mignon en 2011 mais en 2015, ça devient un peu ridicule non ?
-
« Mais je ne comprends pas comment une
jolie fille comme toi n’arrive pas à trouver ». Dans les jours de grande
rationalité, vous pouvez vous lancer dans des explications visant à faire
comprendre que l’amour n’est pas qu’une question de physique agréable mais qu’il
est aussi friand de notions telles que la communion des idéologies, l’admiration,
la sécurité, le bien-être et la fameuse inexplicable alchimie (butterflies in
the stomach pour les anglophones qui me lisent). Dans les jours d’agacement, un
simple « ben toi t’as bien trouvé, tu vois bien que cela n’a rien à voir
avec le physique » suffira.
Mais rassurez-vous, la Société
moderne vous accordera un répit dans les circonstances suivantes :
-
Au-delà de 40 ans, elle considérera à tort que
vous êtes un cas désespéré car si après 10 ans de condamnations discrètes vous
n’avez « rien fait pour changer ça », on ne peut plus rien pour vous.
Qu’importent les frasques des Cougars et autres femmes d’expériences libérées
des diktats de la société, qu’importent les « secondes chances » plus
détendues, votre cas ne sera plus étudié. C’est peut-être le moment d’en
profiter pour choisir tranquillement ?
-
Si vous avez réussi à avoir des enfants en dépit
de « votre manque de stabilité » car c’est plus difficile avec des
enfants.
-
Et bien sûr, l’inégalité des sexes aimant tirer
sur l’ambulance, si vous êtes un homme, un traitement de faveur vous sera
réservé. Toutefois, cet allègement de peine est à prendre avec des pincettes
car être un homme, c’est bien mais être un homme beau gosse et à l’aise en
société, c’est mieux. En effet, si vous êtes un homme au physique peu
coopératif et de surcroît timide, un sort similaire à celui des femmes vous
sera réservé. En revanche, si vous êtes un homme au physique considéré comme
attractif et à l’humeur festive, vous bénéficierez d’un accès illimité au monde
des #MoinsDe25ans. « C’est normal après tout il profite, il peut ! ».
La Société moderne vous délivrera un passe-droit.
L’idée reçue
Ces conceptions
souvent fantasques de la Société moderne ont contribué a marqué le Célibat
comme une défaillance voire un échec. Si tu ne trouves pas ta moitié ce n’est
pas de ta faute mais un peu quand même car tu devrais « sortir plus »,
« te maquiller pour aller à la boulangerie », bref, faire quelque
chose, n’importe quoi mais quelque chose.
Mais d’où
vient donc cette idée que le Célibat doit être combattu ?
Les conséquences et les risques des condamnations
de la Société moderne
-
La fin de la romance. Si l’adoption de la vie de
couple dépend de menues interventions volontaires, qu’en est-il du hasard ?
de la spontanéité ? des butterflies ? Est-ce si dénué de sens que de
croire que la compatibilité de deux êtres est une science aussi irrationnelle
qu’exacte que telle la recherche du vaccin miracle elle impose des tâtonnements,
des tentatives, des erreurs avant d’aboutir à la parfaite combinaison des
éléments ?
-
La vie de couple en carton-pâte façon décors de
cinéma. Certain(e)s, à bout de force et ne pouvant plus lutter face aux récriminations
à peine masquées de la Société moderne, cèdent mathématiquement aux sirènes de
la vie de couple en acceptant d’accompagner un être qui répond aux critères du
parfait « lâchez-moi la grappe » à savoir âge similaire, appartement,
métier rémunéré à échéances régulières. La victime peut dès lors se reposer sur
ses lauriers et s’accrocher à sa bouée. Qu’importe que le compagnon salvateur ne
présente aucun intérêt particulier, qu’il ne daigne pas prêter attention à son
univers, qu’il passe son temps à la dévaloriser, que chaque jour passé à ses
côtés ressemble à une visite chez le dentiste et que les rares sorties en sa
présence la condamnent aux visages crispés de ses amis qui transpirent le « Mais
qu’est-ce qu’elle fait avec cette métaphore du néant ? » car enfin
elle a la paix. Ah ok…tu es bien sûre Société moderne qu’attendre sans se
stresser de rencontrer les butterflies, c’est pathétique ?
-
Les combats sans guerre. Il est certain que les
plus aguerris ne céderont pas mais lorsque l’on ne plie pas, on choisit souvent
l’assaut. C’est alors qu’apparaissent les fameuses Célibattantes (vous
remarquerez que le terme Célibattants est beaucoup moins usité). Si tu fais le
choix de sortir du rang tu devras le crier haut et fort. Tu devras partir en
guerre pour défendre ton choix inadéquat parce que non tu ne peux pas juste
attendre et te laisser surprendre.
-
La fin des soirées pimentées des personnes en
couple. A force de tourmenter ces pauvres célibataires, sache Société moderne,
qu’ils vont finir par tous adhérer à ton concept de vie de couple et ce jour-là, peux-tu me dire qui
nous racontera des histoires de rencontres croustillantes pour égayer vos
soirées. Hein ? Tu y as pensé à ça ? Ben ouais, ce n’est pas tout de
faire sa Cigale, il faut penser aux conséquences, au risque de faire de la
chanson de Stromae l’hymne de l’année.
Bref, quel que soit ton âge ou ta
situation cher(e) Célibataire, je te rassure, rien ne sert d’essayer de plaire à
la Société moderne car le jour où tu seras en couple, si telle est ta volonté,
enfin posé(e) avec celui (celle) que tu as choisi, au bord de la piscine avec
ton verre de rosé, tes lunettes de soleil, bercé(e) par le chant des
cigales, caressé(e) par les rayons du soleil couchant, l’esprit dans le vague ;
une voix sortie de derrière le barbecue viendra rompre cette tranquillité pour
te demander « Et sinon, c’est pour quand le bébé ? ».
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