jeudi 27 août 2015

Le migrant, un être exceptionnel ?



Crédits photo : Europe1.fr - Article Migrants délogés à Paris : le Défenseur des droits ouvre une enquête - Europe 1 J.R avec AFP Publié à 19h20, le 09 juin 2015, Modifié à 06h34, le 10 juin 2015
Les sujets abordés me sont régulièrement suggérés au gré de l’actualité mais surtout des interprétations et analyses que celle-ci inspire autour de nous. Cette fois, ce sujet est (re)venu jusqu’à moi à l’écoute d’une émission radiophonique qui donnait la parole à un chauffeur routier se plaignant des risques pris par les migrants pour embarquer, par tous les moyens et souvent au péril de leur vie, à bord des véhicules poids lourds susceptibles de les aider dans leur quête ultime : traverser les frontières.

Celui-ci s’indignait alors face aux risques inconsidérés pris par « ces gens-là » qui faisaient preuve d’une totale « inconscience ».

Cette « analyse » faisait déjà écho à plusieurs petites phrases et avis bien arrêtés fredonnés au quotidien et qui, en fonction des sensibilités (politiques pour les plus instrumentalisées ou individuelles pour les plus humaines) incriminent ou regrettent « l’attitude » des migrants quittant leur pays pour assaillir dans des conditions déplorables les villes occidentales.

A l’écoute passive, résignée ou contestataire en fonction de mon humeur et de mon interlocuteur, je n’ai pu m’empêcher de m’interroger sur le sens réel de l’expression « ces gens-là », toile de fond de nombreux discours insinuant que ces hommes, ces femmes regroupés sous le terme générique de migrants, peu importe leur pays d’origine étaient dotés d’un gêne d’intrépidité leur conférant une intolérance à la raison et une propension à l’inconscience. Comme si ces derniers étaient réduits à un raisonnement aussi simpliste que binaire : atteindre pays européen = bonheur volé. Il m’est alors difficile de passer à côté de l’incontournable question qui ne manquera pas d’être taxée de démago ou utopiste par certains : « Qu’auriez-vous fait à leur place ? ».

Dans le confort de nos salons (même en période de crise), est-il réellement possible de s’imaginer les conditions de vie qui peuvent pousser un père de famille (comme c’est souvent le cas) à quitter femme et enfants, la terre qui l’a vu naître et qu’il connaît pour rejoindre une terre qu’il finit par savoir hostile. Il doit être loin aujourd’hui, le temps où les pays occidentaux étaient vus comme des eldorados. Ceux qui font le choix de quitter leur pays imaginent de plus en plus à quoi s’attendre : les risques de ne pas survivre à la traversée, les risques de se voir reconduits dans leur pays d’origine après avoir dépensé toute leur « fortune » pour atteindre leur but, le risque d’être entassés dans des camps insalubres et à la marge dans leur esprit, certitude d’être méprisés dans la terre d’accueil contraint. Toutefois, tous ces risques s’ils ne suffisent pas pour être dissuasifs, peut-être est-ce parce que les autres alternatives ne sont pas acceptables pour tout être humain : voir, impuissant, sa famille mourir de faim sous ses yeux, voir son avenir banni par des conditions politiques qui n’émeuvent personne à part soi, renoncer.

Ce que certains jugent comme de l’inconscience, de l’intrépidité ne serait donc rien d’autre que l’instinct de survie, celui  qui, toutes proportions volontairement non gardées, vous fait courir plus vite lorsque vous êtes poursuivi par un chien, celui qui vous fait tenir 3 nuits sans dormir lorsque votre enfant est malade alors que vous êtes un adepte des nuits de 10h, celui qui lorsque vous recevez votre 3ème tiers, vous donne envie d’ailleurs alors que vous aimez la Tour Eiffel.

Je crains donc que ces hommes qui « envahissent » l’espace public sans autorisation, troublent votre champ visuel, ponctuent votre journal télévisé, vous font craindre la pénurie, n’aient pas effectué un choix inconscient car il faut malheureusement être pleinement conscient pour se résoudre au pire plutôt qu’à la fin.

Certes, le jugement de  chacun n’est pas aidé par les approches médiatiques et politiques de ces situations qui identifient les maux et déterminent des traitements de confort sans analyser ou traiter les causes profondes pour lesquelles nos chers dirigeants savent pourtant revendiquer un droit de regard voire de décision lorsque cela les arrange.

Je vous l’accorde, cela fait un peu donneuse de leçons, surtout pour quelqu’un qui ne préconise rien ni s’est s’investi dans aucune action particulière sur le sujet. Mais je me contente de peut-être conduire à s’interroger sur l’usage du terme « ces gens-là » car ces gens-là ne sont personne d’autres que nous…mais nés ailleurs.

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