Crédits photo : Europe1.fr - Article Migrants délogés à
Paris : le Défenseur des droits ouvre une enquête - Europe 1 J.R avec AFP Publié à
19h20, le 09 juin 2015, Modifié à 06h34, le 10 juin 2015
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Les sujets abordés me sont
régulièrement suggérés au gré de l’actualité mais surtout des interprétations et
analyses que celle-ci inspire autour de nous. Cette fois, ce sujet est (re)venu
jusqu’à moi à l’écoute d’une émission radiophonique qui donnait la parole à un
chauffeur routier se plaignant des risques pris par les migrants pour embarquer,
par tous les moyens et souvent au péril de leur vie, à bord des véhicules poids
lourds susceptibles de les aider dans leur quête ultime : traverser les
frontières.
Celui-ci s’indignait alors face
aux risques inconsidérés pris par « ces gens-là » qui faisaient
preuve d’une totale « inconscience ».
Cette « analyse »
faisait déjà écho à plusieurs petites phrases et avis bien arrêtés fredonnés au
quotidien et qui, en fonction des sensibilités (politiques pour les plus
instrumentalisées ou individuelles pour les plus humaines) incriminent ou
regrettent « l’attitude » des migrants quittant leur pays pour assaillir
dans des conditions déplorables les villes occidentales.
A l’écoute passive, résignée ou
contestataire en fonction de mon humeur et de mon interlocuteur, je n’ai pu
m’empêcher de m’interroger sur le sens réel de l’expression « ces
gens-là », toile de fond de nombreux discours insinuant que ces hommes, ces femmes
regroupés sous le terme générique de migrants, peu importe leur pays d’origine
étaient dotés d’un gêne d’intrépidité leur conférant une intolérance à la
raison et une propension à l’inconscience. Comme si ces derniers étaient
réduits à un raisonnement aussi simpliste que binaire : atteindre pays
européen = bonheur volé. Il m’est alors difficile de passer à côté de
l’incontournable question qui ne manquera pas d’être taxée de démago ou
utopiste par certains : « Qu’auriez-vous fait à leur
place ? ».
Dans le confort de nos salons
(même en période de crise), est-il réellement possible de s’imaginer les
conditions de vie qui peuvent pousser un père de famille (comme c’est souvent
le cas) à quitter femme et enfants, la terre qui l’a vu naître et qu’il connaît
pour rejoindre une terre qu’il finit par savoir hostile. Il doit être loin
aujourd’hui, le temps où les pays occidentaux étaient vus comme des eldorados.
Ceux qui font le choix de quitter leur pays imaginent de plus en plus à quoi
s’attendre : les risques de ne pas survivre à la traversée, les risques de
se voir reconduits dans leur pays d’origine après avoir dépensé toute leur
« fortune » pour atteindre leur but, le risque d’être entassés dans des
camps insalubres et à la marge dans leur esprit, certitude d’être méprisés dans
la terre d’accueil contraint. Toutefois, tous ces risques s’ils ne suffisent
pas pour être dissuasifs, peut-être est-ce parce que les autres alternatives ne
sont pas acceptables pour tout être humain : voir, impuissant, sa famille
mourir de faim sous ses yeux, voir son avenir banni par des conditions
politiques qui n’émeuvent personne à part soi, renoncer.
Ce que certains jugent comme de
l’inconscience, de l’intrépidité ne serait donc rien d’autre que l’instinct de
survie, celui qui, toutes proportions
volontairement non gardées, vous fait courir plus vite lorsque vous êtes
poursuivi par un chien, celui qui vous fait tenir 3 nuits sans dormir lorsque
votre enfant est malade alors que vous êtes un adepte des nuits de 10h, celui
qui lorsque vous recevez votre 3ème tiers, vous donne envie
d’ailleurs alors que vous aimez la Tour Eiffel.
Je crains donc que ces hommes qui
« envahissent » l’espace public sans autorisation, troublent votre
champ visuel, ponctuent votre journal télévisé, vous font craindre la pénurie, n’aient pas effectué un choix
inconscient car il faut malheureusement être pleinement conscient pour se résoudre
au pire plutôt qu’à la fin.
Certes, le jugement de chacun n’est pas aidé par les approches
médiatiques et politiques de ces situations qui identifient les maux et déterminent
des traitements de confort sans analyser ou traiter les causes
profondes pour lesquelles nos chers dirigeants savent pourtant revendiquer un
droit de regard voire de décision lorsque cela les arrange.
Je vous l’accorde, cela fait un
peu donneuse de leçons, surtout pour quelqu’un qui ne préconise rien ni s’est
s’investi dans aucune action particulière sur le sujet. Mais je me contente de peut-être conduire à s’interroger sur l’usage
du terme « ces gens-là » car ces gens-là ne sont personne d’autres
que nous…mais nés ailleurs.
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