Les férus de mode les ont
encensés, copiés, singés, le New York Times les a fustigés, les accusant de « ruiner »
Paris, privant de ses particularismes la capitale culturelle et fière de son
atypisme, la condamnant à l’anonyme tristesse de la généralisation des goûts et
des couleurs qui contraint Paris à se fondre dans la masse informe dessinée
selon le petit nécessaire de la ville à la mode.
Ce journaliste du New York Times
choisit les Hipsters pour dénoncer un phénomène bien plus vaste et loin d’être
nouveau à savoir celui de la mondialisation, celle qui lamine en douceur
l’héritage culturel des pays pour
laisser s’immiscer puis s’imposer une culture unique. Cette pandémie
dont certains convoitent les symptômes, signes d’une évolution, d’un pas de
plus vers le progrès affiché par les privilégiés s’est déjà vue rappelée à
l’ordre lors de la colonisation des grandes enseignes de restauration par
exemple. On craignait alors de tous mourir étouffés par un hamburger préparé
par l’Oncle Sam lui-même.
Si le jugement sans appel du
journaliste du New York Times n’est pas infondé, il ne semble pas dénué de sens
de modérer le propos. Si Pigalle qui a vu disparaître ses
« charmants » bars à hôtesses est pris en exemple, la globalisation
du phénomène à l’ensemble de Paris n’est pas totalement acquise, certains
quartiers par leur architecture, leur mixité, leurs dédales de ruelles parfois
étrangement achalandées restent atypiques. Par ailleurs, si le chou Kale
envahit les assiettes des restaurants branchés et qu’un restaurant lounge à
Paris n’a jamais autant ressemblé à un restaurant lougne à New York ou à Stockholm, le journaliste semble oublier
un paramètre primordial qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, le Parisien. Le
Parisien avec sa sympathie, son empathie légendaires, sa bonne humeur et autres
presque clichés offre encore de beaux jours à la particularité de Paris.
Mais là n’est pas notre propos,
pourquoi donc tant de haine envers le Hipster ?…Une discussion récente
avec un proche m’a menée sur la piste de « l’Engagé anti-galvaudage »,
celui qui ne supporte pas de voir les formes issues du fond se faire voler la
vedette par les formes sans fond.
En effet, presqu’aussi irritant
que d’entendre un magnat de la finance chanter l’Internationale. Il ne serait
donc pas juste qu’un barbu en jean retroussé façon pantacourt se gave de
burgers de cheval à 20 euros en buvant du vin rouge californien sans se soucier
des préoccupations (ou non préoccupations) des Pères fondateurs, ceux qui se
laissaient pousser la barbe par simple détachement à leur apparence physique,
ceux qui justement souhaitaient affirmer leur singularité face à une société
consommatrice des personnalités, peu soucieuse du respect des êtres, du monde,
des plaisirs simples. Forte est mon envie d’adhérer à ce lynchage de Hipster piétinant
de ses chaussures semi-montantes les VRAIES valeurs. Mais, cela reviendrait-il
à dire que l’habit doit nécessairement faire le moine. Et ne serait-ce pas le
nerf de la mode que de s’encanailler des styles rebelles du moment pour créer
l’émoi sur les podiums. Après tout, les autres marginaux de la société ont tous
donné de leur personne : les Blousons noirs ont filé leur perfecto aux
jeunes filles filiformes en quête d’un style « glamrock », les Punks
se sont vus subtiliser leurs clous par les plus grands joaillers…les Hipsters
se devaient de laisser leur contribution.
Mais heureusement pour nous, si
le plagiat de styles est de rigueur, celui des idées bien amenées et argumentées
s’avère être une entreprise beaucoup plus périlleuse donc on peut encore
refaire le monde en jogging et devant un steak-frites sans craindre qu’on
ne vienne nous inoculer le virus de la pensée unique.
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