Le cycle de la vie, le cycle
éternel, le cycle cellulaire autant de notions qui suggèrent une rondeur, un bannissement
des angles, une exclusion des arêtes. Des notions qui peuvent rassurer car
indissociables d’une répétition sans toutefois vous condamner à la morosité de
la routine car également garantes du renouvellement. Le cycle s’impose en
associant savamment continuité et renouveau, en se faisant l’allié inébranlable
de l’adaptation.
Notre vie était donc constituée
de cycles qui se succédaient et se ressemblaient… un peu mais s’adaptaient aux
mouvements ou hérésies de notre société. Ainsi, ont été créés :
- le cycle de la famille, caractérisé par l’arrivée de votre descendance qui grandit puis quitte le nid, vous permettant de couler des jours heureux dans une contrée ensoleillée, rassuré par le juste retour des deniers cotisés.
- le cycle du partage avec l’imposition comme mal nécessaire et la redistribution comme fin salvatrice,
- le cycle économique fondé sur la libre circulation de la richesse,
- le cycle des générations avec le renouvellement naturel aidé de la population.
Puis un beau jour, une poignée d’êtres
dits pensants ayant mis à mal le sens du mot politique s’est mise en tête de
sacrifier la mécanique des cycles au profit d’un soi-disant bien-être immédiat
qui comme ce qualificatif le suppose, a pour défaut d’être à courte vue. Ainsi,
sous couvert de réagir à l’état critique qui s’abat sur le monde, ces êtres
après avoir hésité entre deux options à savoir : créer un nouveau cycle,
ce qui demanderait du temps mais surtout de l’investissement temporellement
incompatible avec les échéances électorales ou démanteler le cycle existant,
optèrent pour la solution a priori la
plus simple : Maintenir l’hégémonie des acteurs économiques les
plus puissants, avec qui, pour des raisons de confort personnel, il est peu
recommandé de se fâcher, ce maintien ne pouvant se faire qu’à la néfaste
condition de la désagrégation des cycles.
Les dernières en date ont choisi
de s’exprimer au travers du déshabillage de ce que nous avions coutume de
nommer les « acquis » sociaux qui devront bientôt être rebaptisés les
« nostalgies » sociales. Ainsi, le cycle du partage est menacé par la
remise en question des allocations « chômage ». Qu’il soit nécessaire
de réguler les dépenses publiques cela peut s’entendre. En revanche, l’intelligibilité
de la remise en question des allocations chômage est moins palpable pour celui
qui, après avoir distribué pendant des années, doit s’entendre dire que si lui
aussi venait à se heurter à un de ces fameux « accidents de la vie »,
il ne pourrait bénéficier de la redistribution. Tout cela sans que soit
abordée la question de la diminution voire de la disparition des ponctions
régulières qu’il se voit infliger et continuant de se justifier par la nécessité de
nourrir un système pourtant décrété comme subitement malade. Le voilà donc puni,
pénalisé pour la mauvaise gestion d’un système qu’il n’a pas instauré et dont
il ne tient pas les rênes, un système mathématiquement viable mais qui chancèle
en passant à la pratique. Un système victime de ses abus qui perturbent
indéniablement le cycle mais qui n’impliquent pas nécessairement une réponse
aussi drastique. A-t-on déjà euthanasié pour une gastro…Encore une fois la
solution de facilité et la plus profitable a été privilégiée au détriment du
maintien du cycle. Il est bien plus simple de s’en prendre aux Sans Voix, qui
au pire déambuleront dans les rues plutôt que de s'attaquer aux Voix des Seigneurs qui en plus d’être
impénétrables pour le lambda des citoyens ont pour particularité d’effrayer
ceux qui nous gouvernent.
C’est donc de cette manière qu’après
avoir vanté les mérites du retour de la croissance, certains nous condamnent à
la restriction, somment à l’effort pour favoriser l’économie, la réduction des
dépenses tout en assurant le plein profit à certains grands groupes.
Autre grand chantier
anti-mécanique des cycles entrepris par les pouvoirs publics, la fin amorcée de
la politique familiale, celle-là même fondée sur l’universalité serait aujourd’hui
sacrifiée, soi-disant pour bénéficier aux plus défavorisés mais pourtant lorsqu’il
est décidé de diviser la prime de naissance par deux pour le second enfant, ces
derniers ne se voient pas épargnés.
On peut donc imaginer que ces
remises en cause perturbent les cycles à plus d’un titre. Ainsi, un ménage
moyen disposant de suffisamment de ressources financières pour accéder aux
loisirs après s’être acquitté de ses obligations financières vitales (se
nourrir, se loger, etc) pourra réagir de plusieurs façons face à la perte de
ses nostalgies familiales : restreindre ses dépenses liées aux loisirs
(rupture du cycle économique fondé sur la redistribution de la richesse), diminuer
ses dépenses visant la promotion des siens (investissement dans l’éducation
pouvant être un moteur à l’innovation), réfléchir à deux fois avant de
se reproduire (rupture du cycle du renouvellement des générations).
Ce refus de s’intéresser aux
réelles failles du système afin de les comprendre et y remédier de manière
ciblée et adaptée au détriment du cycle annoncerait-il le règne des décisions
arrêtées et dévastatrices ? L’espoir faisant vivre, je ne doute pas que le
cycle, avec un peu d’aide des Sans Voix, finira par signer son retour car le
monde anguleux a pour particularité de ne pas penser à l’avenir et donc ne pas
assurer ses arrières.
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