mercredi 27 mai 2015

On ne dit pas merci à Estrosi


 
Aujourd’hui devait être le jour de la publication de la recette magique de ma tarte pomme-rhubarbe. Cependant, mon humeur changeante et l’actualité politique en ont décidé autrement. En effet, je tenais à revenir en quelques mots sur les récents propos de Christian Estrosi qui s’est exprimé il y a une dizaine de jours sur la malheureuse histoire de Zyed et Bouna. L’histoire de ces deux adolescents a de nouveau monopolisé (un court instant) l’attention des médias, à la suite du jugement rendu après le procès des deux policiers mis en examen pour « non-assistance à personne en danger » et « mise en danger délibérée de la vie d'autrui ». Le 18 mai dernier, les deux policiers ont été relaxés, ce jugement écartant toute mise en cause de leur responsabilité suite à l’électrocution ayant causé la mort le 27 octobre 2005 de Zyed Benna et Bouna Traoré, qui s'étaient réfugiés dans l’enceinte d'un poste électrique afin d’échapper à un contrôle de police à Clichy-sous-Bois.

Interrogé par Bruce Toussaint sur le plateau de la matinale d’I-Télé au sujet des réactions suscitées par ce jugement, Christian Estrosi, Maire UMP de la Ville de Nice, Député des Alpes-Maritimes et ancien Ministre plusieurs fois (ces titres sont importants pour la suite) s’est exprimé en ces termes :

« Je ne comprends pas que les policiers qui pendant dix ans ont souffert avec leurs familles d’avoir été dans la situation où ils ont été ne soient pas plus soutenus qu’ils ne le sont. Quand il y a un choix à faire, les familles n’ont qu’à éduquer leurs enfants et faire en sorte qu’ils ne soient pas des délinquants…», tout en reconnaissant le caractère triste de l’évènement et en ayant une attention furtive pour la tristesse des familles.

Dans les heures puis les jours qui ont suivi, les médias se sont emparés de ces déclarations soumises à dérision car très vite dans la suite de son intervention télévisée, nous comprenons que Christian Estrosi confond deux affaires lorsqu’il qualifie les deux enfants de délinquants. En effet, en mettant en cause « ces délinquants en excès de vitesse », il fait en réalité référence à l’affaire de Villiers le Bel où deux adolescents âgés de 15 et 16 ans avaient trouvé la mort en 2007 lors d’un accident de scooter suite à une collision avec une voiture de police.

Aujourd’hui, après quelques jours seulement, « l’affaire » meurt à petit feu, Monsieur Estrosi, responsable politique ayant flirté avec les plus grandes fonctions, ne sera pas plus inquiété et pourra comme d’autres, habitués des petites phrases assassines briguer de hauts mandats dans l’avenir. La vie continue. Pas de quoi en faire tout un foin me direz-vous…

Cela dépend de l’angle de vue…Dans cette histoire, l’inconséquence d’un homme politique qui ose s’exprimer avec aplomb sur un sujet ou, comme ils aiment à les considérer, un dossier qu’il ne connaît pas est peut être l’élément qui me  choque le moins. Un homme politique qui fanfaronne devant la caméra sans même savoir de quoi il parle, c’est navrant pour la société et son avenir mais malheureusement, cela n’est plus étonnant. Le caractère de gravité se loge dans d’autres « détails ».

La passivité par exemple, celle qui malheureusement gangrène notre société.

Une passivité qui s’exprime à travers une classe politique qui continue de s’agiter, d'instrumentaliser mais qui finalement ne condamne jamais concrètement. L’auteur de ces propos inhumains, antirépublicains et irrespectueux poursuivra tranquillement son petit chemin. Un peu forts comme qualificatifs ? Comment pourrait-on nommer autrement des propos qui visent insidieusement à banaliser une conséquence tragique, à savoir la mort d’enfants, dès lors qu’elle est jugée comme « méritée ». En plus, de se fonder sur une affirmation fausse, les deux adolescents n’étant pas connus comme des délinquants, comment peut-on, en tant que responsable politique (le terme responsable ayant ici tout son sens), représentant la République mais également en tant qu’homme trouver des circonstances à la mort dès lors qu’elle touche une population décrétée comme répréhensible au premier fait. Quand bien même ces deux adolescents auraient été des délinquants (sachant qu’un délit mineur suffit à rentrer dans cette catégorie), a t-on réellement le droit de minimiser la mort de ces personnes ? L’avis de Monsieur Estrosi aurait-il été le même pour deux jeunes de quartiers huppés, interpellés pour excès de vitesse, après avoir volé la mini de leur mère pour faire la fête dans un club chic ou aurait-on simplement parlé d’erreur de jeunesse lors de la commémoration municipale ? A t-il imaginé un seul instant ce qui peut se passer dans la tête des familles endeuillées de Zyed et Bouna en entendant de tels propos ? Y aurait-il une catégorie de Français dont la vie serait moins importante au regard de leur situation géographique induite ?

Autant de questions pour lesquelles, je vous laisse le soin de deviner mes idées de réponses mais qui surtout en disent long sur la longue liste de qualificatifs que je pourrais ajouter pour caractériser les propos tenus par Christian Estrosi.

Une passivité qui s’exprime également dans les médias puis les réactions populaires. Le #ZyedEtBouna et les montées au créneau sur les réseaux sociaux, ont été, il me semble, beaucoup moins retentissantes que pour d’autres sujets. Ces propos resteront finalement une « boulette » politique alors qu’en réalité, il s’agit d’une nouvelle pierre au mur qui sépare chaque jour un peu plus la société française des valeurs qu’elle se dit vouloir porter. Ces propos condamnables et l’impunité de ceux qui les profèrent structurent chaque jour un peu plus et  en toute discrétion sournoise les mentalités, les mensonges maquillés en vérité, les idéologies nauséabondes, les clichés et l’ignorance qui font qu’un jour, ton voisin de palier qui se dit outré par le Front National, respectueux de l’égalité et des libertés de tous et amoureux du chou Kale te sortira, sans même s’en rendre compte, une réflexion raciste ou stigmatisante pour une population. La passivité ambiante aura alors eu raison de lui…et de sa raison.

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