Aujourd’hui devait être le jour
de la publication de la recette magique de ma tarte pomme-rhubarbe. Cependant,
mon humeur changeante et l’actualité politique en ont décidé autrement. En
effet, je tenais à revenir en quelques mots sur les récents propos de Christian
Estrosi qui s’est exprimé il y a une dizaine de jours sur la malheureuse
histoire de Zyed et Bouna. L’histoire de ces deux adolescents a de nouveau monopolisé
(un court instant) l’attention des médias, à la suite du jugement rendu après
le procès des deux policiers mis en examen pour « non-assistance à personne en
danger » et « mise en danger délibérée de la vie d'autrui ». Le 18 mai dernier,
les deux policiers ont été relaxés, ce jugement écartant toute mise en cause de
leur responsabilité suite à l’électrocution ayant causé la mort le 27 octobre 2005 de Zyed Benna et
Bouna Traoré, qui s'étaient réfugiés dans l’enceinte d'un poste électrique afin d’échapper à un contrôle
de police à Clichy-sous-Bois.
Interrogé par Bruce Toussaint sur
le plateau de la matinale d’I-Télé au sujet des réactions suscitées par ce
jugement, Christian Estrosi, Maire UMP de la Ville de Nice, Député des
Alpes-Maritimes et ancien Ministre plusieurs fois (ces titres sont importants
pour la suite) s’est exprimé en ces termes :
« Je ne comprends pas que les policiers qui pendant dix ans ont souffert avec leurs familles d’avoir été dans
la situation où ils ont été ne soient pas plus soutenus qu’ils ne le sont.
Quand il y a un choix à faire, les familles n’ont qu’à éduquer leurs enfants et faire en sorte qu’ils ne
soient pas des délinquants…», tout en reconnaissant le caractère
triste de l’évènement et en ayant une attention furtive pour la tristesse des
familles.
Dans les heures puis les jours
qui ont suivi, les médias se sont emparés de ces déclarations soumises à
dérision car très vite dans la suite de son intervention télévisée, nous
comprenons que Christian Estrosi confond deux affaires lorsqu’il qualifie les
deux enfants de délinquants. En effet, en mettant en cause « ces
délinquants en excès de vitesse », il fait en réalité référence à l’affaire
de Villiers le Bel où deux adolescents âgés de 15 et 16 ans avaient
trouvé la mort en 2007 lors d’un accident de scooter suite à une collision avec
une voiture de police.
Aujourd’hui, après quelques jours
seulement, « l’affaire » meurt à petit feu, Monsieur Estrosi,
responsable politique ayant flirté avec les plus grandes fonctions, ne sera pas
plus inquiété et pourra comme d’autres, habitués des petites phrases assassines
briguer de hauts mandats dans l’avenir. La vie continue. Pas de quoi en faire
tout un foin me direz-vous…
Cela dépend de l’angle de vue…Dans
cette histoire, l’inconséquence d’un homme politique qui ose s’exprimer avec
aplomb sur un sujet ou, comme ils aiment à les considérer, un dossier qu’il ne
connaît pas est peut être l’élément qui me
choque le moins. Un homme politique qui fanfaronne devant la caméra
sans même savoir de quoi il parle, c’est navrant pour la société et son avenir
mais malheureusement, cela n’est plus étonnant. Le caractère de gravité se loge
dans d’autres « détails ».
La passivité par exemple, celle
qui malheureusement gangrène notre société.
Une passivité qui s’exprime à
travers une classe politique qui continue de s’agiter, d'instrumentaliser mais
qui finalement ne condamne jamais concrètement. L’auteur de ces propos inhumains,
antirépublicains et irrespectueux poursuivra tranquillement son petit chemin.
Un peu forts comme qualificatifs ? Comment pourrait-on nommer autrement
des propos qui visent insidieusement à banaliser une conséquence tragique, à
savoir la mort d’enfants, dès lors qu’elle est jugée comme « méritée ».
En plus, de se fonder sur une affirmation fausse, les deux adolescents n’étant
pas connus comme des délinquants, comment peut-on, en tant que responsable
politique (le terme responsable ayant ici tout son sens), représentant la
République mais également en tant qu’homme trouver des circonstances à la mort
dès lors qu’elle touche une population décrétée comme répréhensible au premier
fait. Quand bien même ces deux adolescents auraient été des délinquants
(sachant qu’un délit mineur suffit à rentrer dans cette catégorie), a t-on réellement
le droit de minimiser la mort de ces personnes ? L’avis de Monsieur Estrosi
aurait-il été le même pour deux jeunes de quartiers huppés, interpellés pour
excès de vitesse, après avoir volé la mini de leur mère pour faire la fête dans
un club chic ou aurait-on simplement parlé d’erreur de jeunesse lors
de la commémoration municipale ? A t-il imaginé un seul instant ce qui peut se
passer dans la tête des familles endeuillées de Zyed et Bouna en entendant de
tels propos ? Y aurait-il une catégorie de Français dont la vie serait
moins importante au regard de leur situation géographique induite ?
Autant de questions pour
lesquelles, je vous laisse le soin de deviner mes idées de réponses mais qui
surtout en disent long sur la longue liste de qualificatifs que je pourrais
ajouter pour caractériser les propos tenus par Christian Estrosi.
Une passivité qui s’exprime
également dans les médias puis les réactions populaires. Le #ZyedEtBouna et les
montées au créneau sur les réseaux sociaux, ont été, il me semble, beaucoup
moins retentissantes que pour d’autres sujets. Ces propos resteront finalement une « boulette »
politique alors qu’en réalité, il s’agit d’une nouvelle pierre au mur qui
sépare chaque jour un peu plus la société française des valeurs qu’elle se dit
vouloir porter. Ces propos condamnables et l’impunité de ceux qui les profèrent
structurent chaque jour un peu plus et
en toute discrétion sournoise les mentalités, les mensonges maquillés en
vérité, les idéologies nauséabondes, les clichés et l’ignorance qui font qu’un
jour, ton voisin de palier qui se dit outré par le Front National, respectueux
de l’égalité et des libertés de tous et amoureux du chou Kale te sortira, sans
même s’en rendre compte, une réflexion raciste ou stigmatisante pour une
population. La passivité ambiante aura alors eu raison de lui…et de sa raison.
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