mercredi 2 juillet 2014

Je drague donc je suis

Récemment, mon esprit a été interpellé par une émission de radio qui passait au crible un phénomène de société placé à la première place des comportements déviants : la drague. Cette pratique ancestrale était pointée du doigt comme une réelle atteinte aux droits des femmes et le symbole de la misogynie. L’argument principal (les voix radiophoniques ont tenu une diatribe de près de 35 minutes sur le sujet mais je vous épargne cela et vous gratifie d’un résumé) : la drague serait déjà un acte d’agression physique voire morale et devrait être condamnable légalement. J’ai beau être une fervente défenderesse des droits des Hommes et par conséquent des Femmes, je dois avouer que ce débat a suscité un peu d’étonnement de ma part. Serait-ce un abus de langage ? Est-il question ici d’harcèlement ?
Quoiqu’il en soit, cela m’a poussée à passer en revue les différents contours de la drague afin d’en saisir les subtilités.
Pour mieux la comprendre, commençons par la définir. Si je m’en réfère à mon dictionnaire Hachette qui me suit depuis la seconde, draguer c’est au sens figuré : « flâner en quête d’aventures » ou encore « aborder, racoler ». Assez proche de ma définition qui aurait été : créer un contact avec une autre personne pour…multiples possibilités : s’amuser, passer le temps, se faire mousser et évidemment le fameux « plus si affinités ».
Voilà les quelques comportements choisis identifiés :
La drague « frustration », assez courante et pas des plus prisées par la gente féminine, qui se caractérise par une entrée en matière directe type « vous êtes charmante » et se solde aussitôt par une invective-miroir et pour le moins contrastée « tu t’es prise pour une bombasse ou quoi ? » (pour les invectives les plus polies) dans le cas où le « vous êtes charmante » se serait soldé par un échec soit dans 99,99% des cas.
La drague « relou » de celui ou celle qui arrive avec ses gros sabots sans subtilité voir avec grossièreté.
Il me semble que seules celles-ci constituent un réel désagrément dès lors qu’elles sont insistantes et intrusives, faisant fi de la règle inébranlable instaurée par la métaphore de Patrick Swayze : « Ça c’est mon espace de danse et ça c’est ton espace de danse. Tu n’envahis pas mon espace, je n’envahis pas ton espace. ».
La drague « réflexe », drague régie par l’équation systématique œil masculin + silhouette de femme  = obligation de drague. Le dragueur ne semble pas lui-même convaincu par son entrée en matière, ne semble pas particulièrement attendre de retour positif, ne vous trouve pas particulièrement jolie d’ailleurs, mais se sent obligé de tenter quelque chose comme pour flatter son égo masculin.
Celle-ci peut se muer en drague égocentrique visant uniquement à tester son charme sur une proie considérée comme facile ou non en fonction du degré de confiance du jour de l'assaillant lorsqu'il n'a pas envie de jouer à Candy crush par exemple.
La drague « flippette » aussi connue sous le nom de « bouteille à la mer » qui se développe de plus en plus. Son terrain de jeu favori, tout ce qui implique la circulation. Ex : sur le périphérique, la voiture qui roule à côté de la vôtre, peu importe la fluidité de sa file, pour vous offrir les sourires et œillades de son conducteur. Une question me taraude : Quelle suite est censée se produire ? Coup de frein à main sur le périph, petite discussion  bercée par les effluves issues des pots d’échappement avant d’en venir à l’irrémédiable échange de n° de téléphone et tout cela sans que votre orgueil n’en prenne un coup…mortel. Variante : les sourires et gestes évocateurs depuis le métro en partance alors que vous êtes sur le quai.
J’ai donc cherché une explication à cette nouvelle tendance avant d’en comprendre les motivations : se forcer à aller de l’avant sans risquer de prendre un vent. Ainsi au prochain repas entre amis, vous pourrez dire « pourtant, je rencontre de gens, je tente des choses mais rien ne se passe… »
La drague « porte ouverte », la plus élégante qui s’insinue subtilement et sait saisir l’instant. Ex d’entrée en matière : « Vous cherchez une rue ? » Difficile de dire non quand vous voilà plantée depuis 5 minutes au milieu du passage piéton, yeux rivés sur votre téléphone pour décrypter une carte, le tout avec une moue dubitative qui semble dire : « ok première à droite mais en arrivant dans quel sens ? ». Obligée d’avouer votre désarroi, vous acceptez l’aide de celui qui vous indique le chemin et ne pouvez que répondre poliment aux questions qui suivront. Classe ultime si l’interlocuteur vous laisse tracer votre chemin après un bref échange sans sombrer dans l’insistance. Si vous n’êtes pas intéressée, vous repartez flattée et dans le cas contraire, la « porte ouverte » a été clairement signifiée.
Tout cela semble assez simple finalement, il y aurait des dragues de gentlemen et des dragues de gros lourds. Peut-être. Toutefois, j’ai tendance à croire que les mouvements du curseur ne sont pas uniquement déterminés par celui ou celle qui drague mais également par le ou la dragué(e) car on peut se demander si notre réaction et notre interprétation de la drague sont strictement les mêmes lorsqu'elles proviennent d’un sosie de Bradley Cooper ou lorsqu'elles viennent d’un sosie de Mister Bean. Dans un cas (que je vous laisse choisir), cette prise de contact risque de se solder par des sourcils en accent circonflexe et un « il est relou lui » alors que dans un autre, pour les plus hypocrites le « il est relou » sera beaucoup moins convaincant et accompagné d’un sourire béat ou pour les autres contraintes de décliner, le refus se fera avec beaucoup de tact et de compassion pour celui qui a tenté sa chance.
En conclusion, la drague, pourquoi pas si elle nous suggère le choix (de donner suite ou pas) et surtout si vous êtes considéré(e) comme belle/beau gosse par votre « proie ». A tous les coups gagnants car au pire, bon pour l’égo et au mieux, bon pour la suite. Même la drague est corrompue par l’injustice de ce monde…
 

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