dimanche 12 octobre 2014

Le jour où je suis devenue une « daronne ».

D’abord, tu es fraîche et insouciante. Tu fais des études et/ou tu travailles…au choix. Tu regardes ces femmes arrimées à leurs poussettes comme une réalité inébranlable du paysage mais tu ne t’y intéresses pas. Tu croises ces êtres joufflus au vocabulaire restreint voire inexistant sans même feindre l’émoi ou au mieux l’intérêt te titille si vous avez un lien de parenté. Le terme « daronne » à part lorsqu’il désigne la tienne ne revêt pas vraiment une connotation des plus positives que ce soit pour qualifier ces filles mal fagotées donc « sapées comme des daronnes » ou encore pour évoquer celles qui ont à jamais renoncé à toute activité un tant soit peu « amusante » afin de se consacrer à des activités aussi barbantes que les courses, les comptes, l’organisation millimétrée du quotidien, bref, des « trucs de daronne ». 
Puis, un jour, tu te reproduis. On pourrait croire qu’alors tout bascule et que d’un coup, toi aussi tu rejoins le côté obscur de la force étant donné que tu te découvres une passion pour le bio, tu frôles l’infarctus lorsque tu dois emmener ta progéniture aux urgences, tu fais des courses en tentant de penser aux repas de la semaine, tu culpabilises discrètement lorsque tu enchaînes deux repas sans légumes (non, les champignons sur la pizza, ça ne compte pas), si on te demande de choisir entre un combi machine à laver/sèche-linge ou une paire d’escarpins Louboutin classiques, tu hésites pendant ¼ de seconde (avant de choisir les Louboutin). Bref, tu as subi quelques mutations profondes. Pourtant, tu ne te ranges toujours pas au rang des « daronnes ». Tu sais, celles que tu croises à l’école, habillées en Quechua de la tête aux pieds car évidemment c’est plus pratique, celles qui ont toujours rempli tous les formulaires en temps et en heure alors que tu sais que les tiens sont en train de changer de couleur sur ton bureau, celles qui arrivent à la fête de l’école avec des brownies, un cake aux olives et une limonade, elle aussi faite maison alors que tu as fini ton gâteau au yaourt à 23H30 pour être sure de ne pas arriver à l’école avec le fameux quatre-quarts (mais si tu sais, le faux cake hyper gras et atrocement sucré de la supérette). Tu continues à considérer le « monde des daronnes » comme un monde hors du tien notamment car la fameuse frontière avec le monde de l’insouciance ne te semble pas si loin.

Mais qui es-tu alors ? Car à y regarder de plus près, certaines semblent te considérer comme appartenant à ce monde. Il est vrai qu’il n’est pas nécessaire de te solliciter ardemment pour que tu montres une photo de ton mini-pousse. De la même manière, si les batifolages presque adolescents entre copines occupent toujours une place de choix dans tes activités extra-professionnelles, il est loin le temps où tes ongles arboraient dans la même semaine mille et une teintes. Aujourd’hui tu regardes avec dépit cet ongle à la forme triangulaire depuis 2 jours. Manifestement tu es devenue différente à la minute même où l’épicentre de tes préoccupations majeures s’est déporté sur un autre être. L’évolution et non la rupture s’est opérée à cet instant précis.

Différente mais toujours la même, organisée mais pas trop, tête en l’air mais pas trop, soucieuse du bien-être mais pas trop soit suffisamment pour veiller à la présence quasi quotidienne de légumes dans l’alimentation familiale mais pas assez pour être traumatisée par une journée Junk Food et grignotages. Assez relou pour interdire le coca-cola (envers et contre tous y compris un proche allié) mais pas assez pour bannir les écrans. Finalement, ne serait-ce pas une version daronnisante de toi-même, après passage obligé par la responsabilisation.

Tu te serais donc fourvoyée dans la définition de cette « daronne », celle-ci sommeillant en chacune de celles ayant l’envie de se reproduire et résultant de l’exacerbation de nos propres caractéristiques. La Mama Quechua, ne serait personne d’autre que ta voisine d’amphi, qui déjà n’hésitait pas à mettre ses chaussures de rando à l’annonce de la moindre sortie à pieds alors que tu débarquais en tongs (ben quoi, c’est plus confortable que des escarpins), la Mama anti-TV n’est personne d’autre que ta coloc’ qui se nourrissait de graines germées et feignait de ne pas connaître Loana en 2001.

Le jour où je suis devenue une « daronne », je suis donc restée moi-même en version 2.0.

 

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