D’abord, tu es fraîche et
insouciante. Tu fais des études et/ou tu travailles…au choix. Tu regardes ces
femmes arrimées à leurs poussettes comme une réalité inébranlable du paysage
mais tu ne t’y intéresses pas. Tu croises ces êtres joufflus au vocabulaire
restreint voire inexistant sans même feindre l’émoi ou au mieux l’intérêt te
titille si vous avez un lien de parenté. Le terme « daronne » à
part lorsqu’il désigne la tienne ne revêt pas vraiment une connotation des plus
positives que ce soit pour qualifier ces filles mal fagotées donc « sapées
comme des daronnes » ou encore pour évoquer celles qui ont à jamais
renoncé à toute activité un tant soit peu « amusante » afin de se
consacrer à des activités aussi barbantes que les courses, les comptes,
l’organisation millimétrée du quotidien, bref, des « trucs de daronne ».
Puis, un jour, tu te reproduis.
On pourrait croire qu’alors tout bascule et que d’un coup, toi aussi tu rejoins
le côté obscur de la force étant donné que tu te découvres une passion pour le
bio, tu frôles l’infarctus lorsque tu dois emmener ta progéniture aux urgences,
tu fais des courses en tentant de penser aux repas de la semaine, tu
culpabilises discrètement lorsque tu enchaînes deux repas sans légumes (non, les champignons
sur la pizza, ça ne compte pas), si on te demande de choisir entre un combi
machine à laver/sèche-linge ou une paire d’escarpins Louboutin classiques, tu
hésites pendant ¼ de seconde (avant de choisir les Louboutin). Bref, tu as subi
quelques mutations profondes. Pourtant, tu ne te ranges toujours pas au rang
des « daronnes ». Tu sais, celles que tu croises à l’école, habillées
en Quechua de la tête aux pieds car évidemment c’est plus pratique, celles qui
ont toujours rempli tous les formulaires en temps et en heure alors que tu sais
que les tiens sont en train de changer de couleur sur ton bureau, celles qui
arrivent à la fête de l’école avec des brownies, un cake aux olives et une
limonade, elle aussi faite maison alors que tu as fini ton gâteau au yaourt à
23H30 pour être sure de ne pas arriver à l’école avec le fameux quatre-quarts
(mais si tu sais, le faux cake hyper gras et atrocement sucré de la supérette).
Tu continues à considérer le « monde des daronnes » comme un monde
hors du tien notamment car la fameuse frontière avec le monde de l’insouciance
ne te semble pas si loin.
Mais qui es-tu alors ? Car à
y regarder de plus près, certaines semblent te considérer comme appartenant à
ce monde. Il est vrai qu’il n’est pas nécessaire de te solliciter ardemment
pour que tu montres une photo de ton mini-pousse. De la même manière, si les
batifolages presque adolescents entre copines occupent toujours une place de
choix dans tes activités extra-professionnelles, il est loin le temps où tes
ongles arboraient dans la même semaine mille et une teintes. Aujourd’hui tu
regardes avec dépit cet ongle à la forme triangulaire depuis 2 jours.
Manifestement tu es devenue différente à la minute même où l’épicentre de tes
préoccupations majeures s’est déporté sur un autre être. L’évolution et non la
rupture s’est opérée à cet instant précis.
Différente mais toujours la même,
organisée mais pas trop, tête en l’air mais pas trop, soucieuse du bien-être
mais pas trop soit suffisamment pour veiller à la présence quasi quotidienne de
légumes dans l’alimentation familiale mais pas assez pour être traumatisée par
une journée Junk Food et grignotages. Assez relou pour interdire le coca-cola
(envers et contre tous y compris un proche allié) mais pas assez pour bannir
les écrans. Finalement, ne serait-ce pas une version daronnisante de toi-même, après
passage obligé par la responsabilisation.
Tu te serais donc fourvoyée dans
la définition de cette « daronne », celle-ci sommeillant en chacune
de celles ayant l’envie de se reproduire et résultant de l’exacerbation de nos
propres caractéristiques. La Mama Quechua, ne serait personne d’autre que ta voisine
d’amphi, qui déjà n’hésitait pas à mettre ses chaussures de rando à l’annonce
de la moindre sortie à pieds alors que tu débarquais en tongs (ben quoi, c’est
plus confortable que des escarpins), la Mama anti-TV n’est personne d’autre que
ta coloc’ qui se nourrissait de graines germées et feignait de ne pas connaître
Loana en 2001.
Le jour où je suis devenue une « daronne »,
je suis donc restée moi-même en version 2.0.
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