En ce début de nouvelle année,
l’une de mes grandes résolutions est la limitation du cynisme et par conséquent,
la limitation des sorties de ses proches cousins, les sarcasmes. Dans ce but,
j’ai donc décidé de cesser de me laisser vampiriser par des certitudes et de me
laisser bercer par les interrogations. Le débat actuel autour de la déchéance
de nationalité arrive donc à point nommé pour alimenter mon désir
d’interrogations.
Comme à chaque fois qu’un débat
d’opportunité est propulsé sur le devant la scène, je me suis donc posée cette
première question : A quoi ça sert ? Ou plutôt que peut-on espérer
d’une telle mesure s’emparant des médias qui cessent alors de s’intéresser à
autre chose. A priori et selon ceux qui prônent sa mise en place, il s’agirait
de « faire perdre sa nationalité à une personne à titre de sanction ».
Pour argumenter ce retour au goût du jour, les atrocités commises le 13 novembre
dernier sont mises en première ligne. Cette déchéance de nationalité
s’adresserait donc en premier lieu aux terroristes. Ceux-là même qui ont
accumulé suffisamment de haine contre « la France » ou du moins ce
qu’elle symbolise et ce qu’elle (ou plutôt ses Dirigeants politiques) fait sur
la scène internationale pour commettre des actes indignes de l’humanité. Cela conduit
à une autre interrogation : si tu détestes le sport et que le Ministre des
Sports et de la jeunesse, afin de te sanctionner de ce manque d’ouverture d’esprit
et de respect pour ta santé, te condamne
à être privé d’accès à toute salle de sport sur l’ensemble du territoire,
penses-tu que cette sanction aura un écho important chez toi ?
Je me permets donc juste de
douter de la portée idéologique de la chose. Mettons de côté l’idéologie et
interrogeons-nous sur l’aspect plus pragmatique. Pour cela, je me suis donc intéressée
aux conséquences de la déchéance de nationalité pouvant conduire :
- Soit à la perte d’une nationalité pour les binationaux,
- Soit à la création d’apatride pour les Français n’ayant qu’une seule nationalité.
Intéressons-nous au premier cas.
Un binational commet un attentat. Déchu de la nationalité française, celui-ci
conserve la possibilité de migrer dans le pays lui ayant accordé sa seconde
nationalité. Je ne suis pas assez férue de droit pour m’assurer de la viabilité
de cette hypothèse mais admettons que le pays en question accepte de le
recevoir pour vivre ou pour purger une peine de prison. Celui-ci, avec la
portée médiatique dont il bénéficierait, aurait alors le loisir de continuer à
faire propagande de son idéologie voire pourrait organiser, de loin, d’autres
attentats. Cette hypothèse, aussi farfelue soit-elle, me pousse à me poser de
nouvelles questions (encore) sur l’efficacité d’une telle mesure et sa faculté
à minimiser le risque de nouveaux attentats. Le binational n’ayant plus qu’une
seule de ses deux nationalités, idéologiquement, ne risque pas de s’émouvoir de
cela et sur le plan pratique peut continuer sa propagande, car qui sait quel
sort lui réservera le pays d’accueil ? Par ailleurs, combien compte-t-on
de terroristes binationaux qui auraient pu être concernés par cette
mesure ? Sur les derniers évènements ayant terrassé la France avant les
évènements de novembre 2015, la réponse serait 1 sur les 4 terroristes
médiatisés.
S’agissant du cas de l’apatride,
quelles sont les conséquences pour une personne privée de nationalité, comme
cela s’est fait par exemple sous le gouvernement de Vichy pour certains
opposants ?
Selon Wikipédia : Les apatrides ne bénéficient pas de la
protection d'un État. Dans certains pays, ils ne peuvent obtenir de logement ou
de compte en banque à leur nom, n'ont pas la possibilité d'accéder aux soins
médicaux, d'envoyer leurs enfants à l'école, parfois de travailler. L'accès à
l'état civil leur est parfois impossible, ils ne peuvent donc alors se marier,
ou enregistrer leur naissance.
Les enfants d'apatrides sont souvent apatrides, soit car ils
n'obtiennent pas de nationalité par leur seule naissance, soit car leur
naissance ne peut être enregistrée .
Dans certains pays (une trentaine d'après le HCR), les enfants dont la mère est
nationale et le père étranger n'obtiennent pas la nationalité de leur mère.
Sans accès à l'école et avec des accès limités aux autres services essentiels,
il leur est extrêmement difficile de sortir de la pauvreté et de l'exclusion.
Ok et donc ? Qu’est-il prévu
pour ces fantômes de la société ? A ces premières questions s’ajoute un
doute : déchoir de sa nationalité, pourquoi pas, mais quels
terroristes ? Si nous prenons pour exemple, les évènements dramatiques qui
ont lieu ces dernières années, combien de terroristes « actifs »
(ayant participé suffisamment de près aux actes terroristes pour être condamnés
et jugés sans équivoque) ont été arrêtés vivants ? Difficile de vouloir
« punir » en les privant de la nationalité française, des personnes
qui aspirent à mourir pour leur cause…
Si nous étions encore en 2015,
j’aurais crié au scandale, dénonçant une manipulation pour distraire le monde
des vraies questions, pour éviter soigneusement de traiter les problèmes de
fond en balançant de la mesure poudre aux yeux. Je me serais indignée de ces
pratiques visant encore et toujours à mettre au cœur du débat la
différenciation identitaire, la distinction de l’autre. J’aurais certainement avancé
la théorie selon laquelle ces actes auraient été instrumentalisés pour
introduire dans la constitution une éventualité qui pourrait être applicable
pour tout acte jugé digne d’une sanction irréversible : terrorisme mais
aussi et pourquoi pas, tout autre acte jugé indigne de la patrie (cela en fait
des possibilités d’un coup ? Tout est question de point de vue). J’aurais
apprécié que l’on m’explique comment un gouvernement ayant usurpé l’étiquette
de gauche puisse s’intéresser de si près à un sujet à l’efficacité plus que
relative mais qui saura passionner les foules avides de boucs émissaires au
rabais et si faciles à atteindre. Des pratiques qui ne sont pas sans rappeler
celles d'autres courants politiques. Qu’importe que cette initiative
ne décourage ou n’atteigne aucun terroriste, ce qui compte c’est de continuer à
diviser et de coller aux idées stigmatisantes qui séduisent dans les sondages
politiques. Si cela peut éviter dans le même temps d’attirer l’attention sur
les questions de fond…c’est du pain béni.
Mais là…non, en 2016, c’est le
changement ! Point d’accusations à l’emporte-pièce ! Toutefois, si
quelqu’un comprend l’intérêt de cette déchéance de nationalité tellement à la
mode, je suis preneuse des réponses.
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