Voilà l’été ! Ça sent donc
bon le coffre de voiture blindé, l’air d’autoroute et ses prix prohibitifs, les
balades en tongs, les grasses mat’, le plein d’anecdotes, les nouvelles têtes et
le moment d’être…pleinement soi ! En faisant nos adieux à la machine à
café et à nos chers collègues, nous disons
également au revoir à notre posture professionnelle.
L’heure est enfin venue de
quitter temporairement le « costume ». Car avouez-le, au boulot on n’est
pas tout-à-fait soi-même mais un autre soi, plus politiquement correct, plus
nuancé, plus tempéré…
Cela s’avère peut-être davantage
vrai dans les professions très bureaucratiques, celles qui parlent de N+X pour
qualifier ceux qui regardent le monde depuis leur échelle, plus ou moins
courte, celles qui confcallent, qui agissent « asap », celles qui te
communiquent des messages « fyi », celles qui adulent la hiérarchie.
En tout état de cause et peu importe les professions, il n’est
pas rare de constater différents niveaux de schizophrénie. Autour de moi, j'en ai repéré 3 grandes catégories :
La schizophrénie de la bienséance :
la plus répandue, parfois confondue, à tort, avec une forme d’hypocrisie. Celle qui
nous pousse à moduler quelque peu nos modes d’expression voire notre
intonation. Celle qui par exemple permet à votre cerveau d’effectuer une
traduction instantanée et adaptée entre votre pensée et les mots qui sortiront
de votre bouche. Ainsi, lorsque un client vous propose une réunion le vendredi
à 20h pour cause de planning chargé, votre voix suave parviendra à formuler les
mots suivants : « J’entends bien vos contraintes. Néanmoins,
compte-tenu des acteurs devant impérativement être présents et l’importance du
sujet à traiter afin de satisfaire au mieux vos besoins, je vous propose d’envisager
également d’autres créneaux permettant d’assurer la mobilisation pleine et
entière de chacun ainsi qu’une plage horaire suffisamment longue afin d'appréhender correctement le sujet ». Pourtant, cette longue phrase n’était pas
gagnée d'avance sachant que dans votre cerveau, il se passait cela « Non mais il
est sérieux lui avec son 20h un vendredi, il a cru que j’avais pas de life ou
quoi ?!? Il va se la faire seul tout sa réunion de m….».
C’est d’ailleurs
cette même bienséance qui fait que chaque matin, vous êtes en quête de la
parfaite chemise fashion mais pas trop, vous permettant d’être pris au sérieux
ou encore de la fameuse jupe glam’ mais pas trop courte (pour les mêmes
raisons). Et c’est aussi elle qui fait que même avec 35° C et les pieds ayant
muté en chaussons aux pommes, vous refusez de mettre vos tongs pour aller au
boulot. Tout cela car en dépit des belles maximes, dans le monde du travail, l’habit fait et
continuera encore quelques temps de faire le moine dans certains bureaux.
La schizophrénie de protection :
Arrive ensuite le niveau supérieur de schizophrénie, celui qui fait qu’en
sortant de chez vous, vous endossez un costume déformant. Un genre de vous en
version 2.0, celui qui fait que les timides deviennent d’intraitables
commerciaux, les taciturnes s’emparent du crachoir pour harponner le client, l’antisystème
se met à gérer une multinationale de mains de maître. Tous des vendus ? Peut-être
ou peut-être pas. Dès lors que nous n’avons pas tous la chance d’exercer la
profession rêvée, celle qui déchaîne les passions, égaye votre esprit et satisfait votre compte en banque, pour
certains et à la condition que leurs principes de vie fondamentaux ne soient
pas réduits à néant, il s’agit peut-être de créer un cordon sanitaire entre l’activité
qui permet de subvenir à ses besoins, de s’inscrire dans la société, de côtoyer
d’autres personnes, d’autres environnements, de découvrir d’autres façons de
voir les choses ; et leur intimité, leur soi originel ou encore leur
cercle d’êtres précieux (amis, familles) jamais affectés par cette vision autre
et déformante. Cette schizophrénie peut d’ailleurs s’apparenter à une certaine forme
de lucidité.
La schizophrénie comme réponse à la
frustration : Arrive enfin le niveau le plus élevé de la
schizophrénie au boulot avec ceux qui envisagent le monde du travail comme un
monde de liberté, un nouvel espace d’expression parfois conféré par leur
position hiérarchique élevée, leur faisant croire à une légitimité, à un droit
d’exister. L’exemple le plus criant est l’homme ou la femme ayant une vie
personnelle marquée par la vacuité ou la contrainte : un(e) conjoint(e) envahissant(e)
et écrasant(e), une vie de famille étouffante et leur laissant peu de place. Une
fois la porte du Scenic fermée, ils acquièrent alors le droit de se
réapproprier leur vie. Ainsi, le mari soumis aux desiderata et aux ordres de sa
femme devient le boss intransigeant voire tirant un certain plaisir du fait de rabaisser ceux qu’ils voient comme ces « subalternes ». La femme fantôme dans
son immeuble, devient la Directrice omniprésente aimant à rappeler qu’elle est
la seule décisionnaire et le maillon fort de la chaîne. Tout devient bon pour
prendre ce que la vie ne vous donne pas par ailleurs.
Ces 3 niveaux
ne sont certainement pas les seuls. Pour certains, ceux qui affirmeront être
fidèles à leur moi originel en toutes circonstances ou ceux qui subissent la schizophrénie au boulot à
leur insu (certainement ceux appartenant à la 3ème catégorie), ce
sujet pourra même sembler complètement infondé. Pour d’autres, cette schizophrénie
sera choisie et garante d’un équilibre de vie.
Et vous, avant
de quitter la machine à café pour rejoindre la machine à sorbet, sauriez-vous
dire quel genre de schizophrène vous êtes au boulot ?
Hello travaillant dans un service qualité (relation consommateur) je pense plutôt que je suis dans la schizophrénie de la bienséance surtout à l'approche des vacances ahaha :)
RépondreSupprimerSarah du blog Le Journal de Sarah
http://www.lejournaldesarah.com
Celle-ci doit en effet toucher bon nombre d'entre nous :) !! Bonne soirée Sarah.
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