dimanche 24 juillet 2016

Et si le boulot rendait schizophrène...


Voilà l’été ! Ça sent donc bon le coffre de voiture blindé, l’air d’autoroute et ses prix prohibitifs, les balades en tongs, les grasses mat’, le plein d’anecdotes, les nouvelles têtes et le moment d’être…pleinement soi ! En faisant nos adieux à la machine à café et à nos  chers collègues, nous disons également au revoir à notre posture professionnelle. 

L’heure est enfin venue de quitter temporairement le « costume ». Car avouez-le, au boulot on n’est pas tout-à-fait soi-même mais un autre soi, plus politiquement correct, plus nuancé, plus tempéré…

Cela s’avère peut-être davantage vrai dans les professions très bureaucratiques, celles qui parlent de N+X pour qualifier ceux qui regardent le monde depuis leur échelle, plus ou moins courte, celles qui confcallent, qui agissent « asap », celles qui te communiquent des messages « fyi », celles qui adulent la hiérarchie.

En tout état de cause et peu importe les professions, il n’est pas rare de constater différents niveaux de schizophrénie. Autour de moi, j'en ai repéré 3 grandes catégories :

La schizophrénie de la bienséance : la plus répandue, parfois confondue, à tort, avec une forme d’hypocrisie. Celle qui nous pousse à moduler quelque peu nos modes d’expression voire notre intonation. Celle qui par exemple permet à votre cerveau d’effectuer une traduction instantanée et adaptée entre votre pensée et les mots qui sortiront de votre bouche. Ainsi, lorsque un client vous propose une réunion le vendredi à 20h pour cause de planning chargé, votre voix suave parviendra à formuler les mots suivants : « J’entends bien vos contraintes. Néanmoins, compte-tenu des acteurs devant impérativement être présents et l’importance du sujet à traiter afin de satisfaire au mieux vos besoins, je vous propose d’envisager également d’autres créneaux permettant d’assurer la mobilisation pleine et entière de chacun ainsi qu’une plage horaire suffisamment longue afin d'appréhender correctement le sujet ». Pourtant, cette longue phrase n’était pas gagnée d'avance sachant que dans votre cerveau, il se passait cela « Non mais il est sérieux lui avec son 20h un vendredi, il a cru que j’avais pas de life ou quoi ?!? Il va se la faire seul tout sa réunion de m….».

C’est d’ailleurs cette même bienséance qui fait que chaque matin, vous êtes en quête de la parfaite chemise fashion mais pas trop, vous permettant d’être pris au sérieux ou encore de la fameuse jupe glam’ mais pas trop courte (pour les mêmes raisons). Et c’est aussi elle qui fait que même avec 35° C et les pieds ayant muté en chaussons aux pommes, vous refusez de mettre vos tongs pour aller au boulot. Tout cela car en dépit des belles maximes, dans le monde du travail, l’habit fait et continuera encore quelques temps de faire le moine dans certains bureaux.

La schizophrénie de protection : Arrive ensuite le niveau supérieur de schizophrénie, celui qui fait qu’en sortant de chez vous, vous endossez un costume déformant. Un genre de vous en version 2.0, celui qui fait que les timides deviennent d’intraitables commerciaux, les taciturnes s’emparent du crachoir pour harponner le client, l’antisystème se met à gérer une multinationale de mains de maître. Tous des vendus ? Peut-être ou peut-être pas. Dès lors que nous n’avons pas tous la chance d’exercer la profession rêvée, celle qui déchaîne les passions, égaye votre esprit et satisfait votre compte en banque, pour certains et à la condition que leurs principes de vie fondamentaux ne soient pas réduits à néant, il s’agit peut-être de créer un cordon sanitaire entre l’activité qui permet de subvenir à ses besoins, de s’inscrire dans la société, de côtoyer d’autres personnes, d’autres environnements, de découvrir d’autres façons de voir les choses ; et leur intimité, leur soi originel ou encore leur cercle d’êtres précieux (amis, familles) jamais affectés par cette vision autre et déformante. Cette schizophrénie peut d’ailleurs s’apparenter à une certaine forme de lucidité.

La schizophrénie comme réponse à la frustration : Arrive enfin le niveau le plus élevé de la schizophrénie au boulot avec ceux qui envisagent le monde du travail comme un monde de liberté, un nouvel espace d’expression parfois conféré par leur position hiérarchique élevée, leur faisant croire à une légitimité, à un droit d’exister. L’exemple le plus criant est l’homme ou la femme ayant une vie personnelle marquée par la vacuité ou la contrainte : un(e) conjoint(e) envahissant(e) et écrasant(e), une vie de famille étouffante et leur laissant peu de place. Une fois la porte du Scenic fermée, ils acquièrent alors le droit de se réapproprier leur vie. Ainsi, le mari soumis aux desiderata et aux ordres de sa femme devient le boss intransigeant voire tirant un certain plaisir du fait de rabaisser ceux qu’ils voient comme ces « subalternes ». La femme fantôme dans son immeuble, devient la Directrice omniprésente aimant à rappeler qu’elle est la seule décisionnaire et le maillon fort de la chaîne. Tout devient bon pour prendre ce que la vie ne vous donne pas par ailleurs.

Ces 3 niveaux ne sont certainement pas les seuls. Pour certains, ceux qui affirmeront être fidèles à leur moi originel en toutes circonstances ou ceux qui subissent la schizophrénie au boulot à leur insu (certainement ceux appartenant à la 3ème catégorie), ce sujet pourra même sembler complètement infondé. Pour d’autres, cette schizophrénie sera choisie et garante d’un équilibre de vie.

Et vous, avant de quitter la machine à café pour rejoindre la machine à sorbet, sauriez-vous dire quel genre de schizophrène vous êtes au boulot ?

2 commentaires:

  1. Hello travaillant dans un service qualité (relation consommateur) je pense plutôt que je suis dans la schizophrénie de la bienséance surtout à l'approche des vacances ahaha :)

    Sarah du blog Le Journal de Sarah
    http://www.lejournaldesarah.com

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    Réponses
    1. Celle-ci doit en effet toucher bon nombre d'entre nous :) !! Bonne soirée Sarah.

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