dimanche 29 mars 2015

NHA 2015 - Cheveux crépus ou nouvelle source de débat ?



La Natural Hair Acadamy

Samedi dernier, j’ai assisté pour la première fois à la Natural Hair Academy aka NHA 2015. LE salon consacré à la beauté du cheveu naturel mais pas que, car la NHA a voulu creuser davantage la question en contextualisant le débat. Certes, la NHA permet aux adeptes du retour au naturel de repartir la tête pleine de conseils pour prendre soin de leur chevelure et le sac rempli de produits prometteurs mais les conférences proposées permettaient aussi pour certaines de s’intéresser à l’image renvoyée, à la perception, à la place de la femme noire qui s’assume autrement, se révèle différemment dans la société en choisissant de ne pas travestir ses caractéristiques physiques. La notion de choix est primordiale dans ce débat car il ne s’agit pas de fustiger celles qui choisissent de se défriser les cheveux, les fausses blondes ou les nouvelles brunes ne s’étant jamais vues accusées de renier leur patrie capillaire.

J’ai notamment particulièrement apprécié la conférence « Beauté et Estime de soi » animée entre autres par Fatou N’Diaye, créatrice du blog Blackbeautybag et Rokhaya Diallo, journaliste. Des animatrices de choix qui ont su faire partager leur expérience, leur vécu mais aussi susciter des témoignages amusés ou enflammés au sein de l’assemblée. Des témoignages qui n’ont pas manqué de déclencher des rires car en effet, le sujet peut paraître trivial mais il révèle dans le même temps les frustrations du quotidien et les blocages sociétaux qui méritent encore d’être levés. Comme pour les mini-séries, ces témoignages ont également eu le succès réservé à la mise en scène du quotidien faisant appel à un langage universel. Tous ces témoignages m’ont d’ailleurs rappelé bien des souvenirs lointains ou plus récents.

La genèse

Mon « parcours capillaire », puisque c’est ainsi que le nomment les aficionados, les chantres du retour au naturel et autres reines du « shrinkage » a débuté voilà près de 5 ans. Mais bien loin de toute revendication identitaire (l’affirmation de soi et de ses origines par expression capillaire me paraissant bien triste), ce choix a découlé d’un simple constat, l’équation moi + défrisage avait conduit mes cheveux au bord de l’agonie.

Je n’ai pas le souvenir exact de la date de mon premier défrisage. Mais ce dont je me souviens ce sont les années passées assise au sol, coincée fermement par les genoux de ma mère, soucieuse de dompter ma chevelure, armée de son peigne à dents rapprochées et de son huile de carapate. Les jours de fête, le fer à lisser chauffé sur la gazinière était de sortie afin de me permettre de profiter quelques jours d’une crinière plus « docile ». Puis, dans mes premières années d’école primaire, mon envie de défrisage se fait pressante, motivée par l’admiration pour les stars américaines, mon entourage familial au sein duquel quasiment toutes les femmes avaient fait du défrisage une pratique courante voire obligatoire pour toutes celles qui savaient prendre soin d’elles, mais aussi et surtout par mes copines de cour de récré arborant chouchous, pinces crocodiles, petites barrettes à fleurs pour structurer une chevelure légère qui s’agite à chaque éclat de rire et virevolte à la moindre sollicitation de « Robin, les yeux bleus » ou « Nicolas, sourire ravageur ». Bref, il me fallait une riposte pour jouer dans la même cour que Gwendoline et le défrisage semblait être LA solution toute trouvée (l’affirmation de soi n’était pas encore ma tasse de thé à 8-10 ans, objectif n°1 à cette époque : se fondre dans la masse).

Le déclic

Après près de 25 ans de défrisage à fréquence variable (généralement tous les 3 mois et parfois 2 fois par an voire une fois par an), le verdict est sans appel et ma chevelure aurait pu inscrire en lettre de crème de soin : « le défrisage m’a tuer ! ». Finies les sorties flamboyantes du salon de coiffure à en faire pâlir d’envie Audrey Pulvar, fini le volume, finie la santé capillaire ! Place aux chutes de cheveux à répétition, aux cheveux plats, pointes fourchues et autres désagréments face auxquels compléments alimentaires, soins en tout genre  et routine quotidienne ne pouvaient plus rien. Le plaisir du cheveu défrisé s’est transformé peu à peu en hantise du prochain défrisage, risque de plus en plus concret de Kojakisation.

Les prémices

Les trois premiers mois sans défrisage, aucune décision formelle n’était encore prise, simplement aucune envie de voir ma chevelure aplatie et affaiblie par le prochain défrisage. Je recherche alors des solutions pour renforcer mes cheveux. Parallèlement, je me documente sur le cheveu dit « naturel » et m’intéresse de plus en plus aux essais capillaires des quelques personnes qui ont fait ce choix autour de moi. La documentation furtive se transforme assez vite en addiction et toutes les vidéos de Youtube portant sur le retour au naturel, la transition, le big chop, y passent. Mon vocabulaire de « Naturalista » se développe et l’envie de retrouver une chevelure pleine de vie, volumineuse et saine est de plus en plus forte. Par ailleurs, pour m’accompagner dans ce challenge, un partenaire de choix est sous mon toit : mon fils. Motivation supplémentaire car toutes mes recherches pourraient être mises à profit pour animer sa chevelure que je ne me résigne que très rarement à couper au grand dam de certains, qui osent parfois le « Et sinon, pourquoi tu ne lui coupes pas les cheveux ? ». Pourquoi c’est toi qui les coiffes ?
 
L’accueil

Etrangement, la « critique » ou du moins l’accueil le moins chaleureux ne fût pas où je l’attendais le plus. Au bureau, les réactions furent soient positives soient inexistantes, pas certaine que nombreux soient ceux à saisir la subtilité de la différence entre des cheveux défrisés attachés et des cheveux naturels attachés. Seules les sorties en afro puff ont suscité un léger remous. Pour les amis, générationnellement acquis à ma (cette) cause, les réactions furent majoritairement positives, aidées notamment par l’effet de mode du retour au naturel. En revanche, les proches de la génération précédente et notamment ma mère ont eu quelques difficultés à digérer voire comprendre la chose. Marchant sur des œufs, ma mère m’a d’abord félicitée de ce choix temporaire, « rien de mieux qu’un peu de repos avant de reprendre le défrisage » avant de persister avec un « Mais, c’est définitif ? » puis m’achever avec un « Mais, tu sais qu’ils font des défrisages plus doux maintenant ». Une incompréhension qui me fait sourire car dénuée de malveillance et vouée à disparaître face à ce qui s’impose au fil du temps comme une habitude visuelle.



Bref, aujourd’hui, je ne regrette pas ce choix esthétique plus que politique et la NHA a su valoriser cet élan sans en faire un cheval de bataille. Pourquoi devrait-on revendiquer un état de fait ? En revanche, on peut (ré)apprendre à vivre avec une réalité longtemps contrariée pour mieux s’identifier à des standards.  Aussi, bien que le terme ait de moins en moins la cote, je me retrouve assez bien dans l’appellation « Nappy » non pas dans son appréciation revendicatrice mais dans son approche bien plus premier degré. Cette contraction de Natural and Happy illustre idéalement mon état d’esprit, heureuse de ne plus être dépendante d’un traitement chimique, heureuse de retrouver un peu de volume, heureuse de vivre la simplicité de conserver ce qui émane naturellement de mon corps, heureuse d’avoir une raison de plus de mettre en œuvre des recettes cosmétiques, heureuse de pouvoir squatter la salle de bains pendant 2 heures pour la bonne cause, heureuse de participer à une conception du "beau" multiformes en mettant simplement en œuvre une évidence.

 

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