Samedi dernier, j’ai assisté pour
la première fois à la Natural Hair Academy aka NHA 2015. LE salon consacré à la
beauté du cheveu naturel mais pas que, car la NHA a voulu creuser davantage la
question en contextualisant le débat. Certes, la NHA permet aux adeptes du
retour au naturel de repartir la tête pleine de conseils pour prendre soin de
leur chevelure et le sac rempli de produits prometteurs mais les conférences
proposées permettaient aussi pour certaines de s’intéresser à l’image renvoyée,
à la perception, à la place de la femme noire qui s’assume autrement, se révèle
différemment dans la société en choisissant de ne pas travestir ses
caractéristiques physiques. La notion de choix est primordiale dans ce débat
car il ne s’agit pas de fustiger celles qui choisissent de se défriser les
cheveux, les fausses blondes ou les nouvelles brunes ne s’étant jamais vues
accusées de renier leur patrie capillaire.
J’ai notamment particulièrement
apprécié la conférence « Beauté et Estime de soi » animée entre
autres par Fatou N’Diaye, créatrice du blog Blackbeautybag et Rokhaya Diallo,
journaliste. Des animatrices de choix qui ont su faire partager leur expérience,
leur vécu mais aussi susciter des témoignages amusés ou enflammés au sein de
l’assemblée. Des témoignages qui n’ont pas manqué de déclencher des rires car
en effet, le sujet peut paraître trivial mais il révèle dans le même temps les
frustrations du quotidien et les blocages sociétaux qui méritent encore d’être
levés. Comme pour les mini-séries, ces témoignages ont également eu le succès réservé
à la mise en scène du quotidien faisant appel à un langage universel. Tous ces
témoignages m’ont d’ailleurs rappelé bien des souvenirs lointains ou plus
récents.
La genèse
Mon « parcours
capillaire », puisque c’est ainsi que le nomment les aficionados, les
chantres du retour au naturel et autres reines du « shrinkage » a
débuté voilà près de 5 ans. Mais bien loin de toute revendication identitaire
(l’affirmation de soi et de ses origines par expression capillaire me
paraissant bien triste), ce choix a découlé d’un simple constat, l’équation moi
+ défrisage avait conduit mes cheveux au bord de l’agonie.
Je n’ai pas le souvenir exact de
la date de mon premier défrisage. Mais ce dont je me souviens ce sont les
années passées assise au sol, coincée fermement par les genoux de ma mère,
soucieuse de dompter ma chevelure, armée de son peigne à dents rapprochées et
de son huile de carapate. Les jours de fête, le fer à lisser chauffé sur la
gazinière était de sortie afin de me permettre de profiter quelques jours d’une
crinière plus « docile ». Puis, dans mes premières années d’école
primaire, mon envie de défrisage se fait pressante, motivée par l’admiration pour
les stars américaines, mon entourage familial au sein duquel quasiment toutes
les femmes avaient fait du défrisage une pratique courante voire obligatoire
pour toutes celles qui savaient prendre soin d’elles, mais aussi et surtout par
mes copines de cour de récré arborant chouchous, pinces crocodiles, petites
barrettes à fleurs pour structurer une chevelure légère qui s’agite à chaque
éclat de rire et virevolte à la moindre sollicitation de « Robin, les yeux
bleus » ou « Nicolas, sourire ravageur ». Bref, il me fallait
une riposte pour jouer dans la même cour que Gwendoline et le défrisage
semblait être LA solution toute trouvée (l’affirmation de soi n’était pas
encore ma tasse de thé à 8-10 ans, objectif n°1 à cette époque : se fondre
dans la masse).
Le déclic
Après près de 25 ans de défrisage
à fréquence variable (généralement tous les 3 mois et parfois 2 fois par an
voire une fois par an), le verdict est sans appel et ma chevelure aurait pu
inscrire en lettre de crème de soin : « le défrisage m’a tuer ! ».
Finies les sorties flamboyantes du salon de coiffure à en faire pâlir d’envie
Audrey Pulvar, fini le volume, finie la santé capillaire ! Place aux
chutes de cheveux à répétition, aux cheveux plats, pointes fourchues et autres
désagréments face auxquels compléments alimentaires, soins en tout genre et routine quotidienne ne pouvaient plus
rien. Le plaisir du cheveu défrisé s’est transformé peu à peu en hantise du
prochain défrisage, risque de plus en plus concret de Kojakisation.
Les prémices
Les trois premiers mois sans
défrisage, aucune décision formelle n’était encore prise, simplement aucune
envie de voir ma chevelure aplatie et affaiblie par le prochain défrisage. Je
recherche alors des solutions pour renforcer mes cheveux. Parallèlement, je me
documente sur le cheveu dit « naturel » et m’intéresse de plus en
plus aux essais capillaires des quelques personnes qui ont fait ce choix autour
de moi. La documentation furtive se transforme assez vite en addiction et
toutes les vidéos de Youtube portant sur le retour au naturel, la transition,
le big chop, y passent. Mon vocabulaire de « Naturalista » se
développe et l’envie de retrouver une chevelure pleine de vie, volumineuse et
saine est de plus en plus forte. Par ailleurs, pour m’accompagner dans ce
challenge, un partenaire de choix est sous mon toit : mon fils. Motivation
supplémentaire car toutes mes recherches pourraient être mises à profit pour animer
sa chevelure que je ne me résigne que très rarement à couper au grand
dam de certains, qui osent parfois le « Et sinon, pourquoi tu ne lui
coupes pas les cheveux ? ». Pourquoi c’est toi qui les coiffes ?
L’accueil
Etrangement, la
« critique » ou du moins l’accueil le moins chaleureux ne fût pas où
je l’attendais le plus. Au bureau, les réactions furent soient positives soient
inexistantes, pas certaine que nombreux soient ceux à saisir la subtilité de la
différence entre des cheveux défrisés attachés et des cheveux naturels
attachés. Seules les sorties en afro puff ont suscité un léger remous. Pour les
amis, générationnellement acquis à ma (cette) cause, les réactions furent
majoritairement positives, aidées notamment par l’effet de mode du retour au
naturel. En revanche, les proches de la génération précédente et notamment ma
mère ont eu quelques difficultés à digérer voire comprendre la chose. Marchant sur
des œufs, ma mère m’a d’abord félicitée de ce choix temporaire, « rien de
mieux qu’un peu de repos avant de reprendre le défrisage » avant de
persister avec un « Mais, c’est définitif ? » puis m’achever avec
un « Mais, tu sais qu’ils font des défrisages plus doux maintenant ».
Une incompréhension qui me fait sourire car dénuée de malveillance et vouée à
disparaître face à ce qui s’impose au fil du temps comme une habitude visuelle.
Bref, aujourd’hui, je ne regrette pas ce choix esthétique plus que politique et la NHA a su valoriser cet élan sans en faire un cheval de bataille. Pourquoi devrait-on revendiquer un état de fait ? En revanche, on peut (ré)apprendre à vivre avec une réalité longtemps contrariée pour mieux s’identifier à des standards. Aussi, bien que le terme ait de moins en moins la cote, je me retrouve assez bien dans l’appellation « Nappy » non pas dans son appréciation revendicatrice mais dans son approche bien plus premier degré. Cette contraction de Natural and Happy illustre idéalement mon état d’esprit, heureuse de ne plus être dépendante d’un traitement chimique, heureuse de retrouver un peu de volume, heureuse de vivre la simplicité de conserver ce qui émane naturellement de mon corps, heureuse d’avoir une raison de plus de mettre en œuvre des recettes cosmétiques, heureuse de pouvoir squatter la salle de bains pendant 2 heures pour la bonne cause, heureuse de participer à une conception du "beau" multiformes en mettant simplement en œuvre une évidence.
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